
Tout s’est joué avant le dîner qui devait débuter à 19 heures, jeudi soir. Le Suédois Fredrik Reinfeldt, qui assume la présidence tournante de l’Union, s’entretient avec Angela Merkel, Nicolas Sarkozy et Gordon Brown. Il teste le nom de Juncker avec le soutien de la chancelière qui fait valoir qu’il est très largement soutenu par les chefs de gouvernement. Mais Sarkozy s’oppose fermement à la nomination du Premier ministre luxembourgeois, sans en donner de raison, semble-t-il. Reinfeldt, qui veut un consensus pour cette première élection, met alors fin à la réunion et va prévenir Juncker du veto français : il lui demande de retirer sa candidature au profit du premier ministre belge, ce qu’il fait. « S’il y avait eu vote, Sarkozy aurait été isolé », assure un diplomate : « si personne n’est enthousiasmé par Herman Van Rompuy, personne n’a rien contre lui non plus, c’est cela sa chance ». Le chef de l’Etat français a justifié cette volonté de consensus : « Nous avons voulu qu’il n’y ait pas de perdant ». On peut le comprendre, puisqu’il aurait sans doute été ce perdant.
Interrogé jeudi soir sur ce veto, Sarkozy a nié l’affaire avec aplomb, en se moquant des «sources luxembourgeoises» : « est-ce que Mme Merkel a proposé cet après-midi M. Juncker ? Je vous regarde bien en face : c’est une fausse information (…) Dites bien à votre source qu’on doit la fermer tout de suite. Parce que des sources pareilles (…) j’en ai vu des mauvaises sources, mais celle-là (…) C’est peut-être une source luxembourgeoise ? », a-t-il conclu en rigolant.
Pourquoi un tel veto ? Manifestement, le chef de l’Etat n’a toujours pas digéré plusieurs incidents
qui ont émaillé ses relations avec le premier ministre du Grand Duché, en particulier, sa venue mouvementée, en juillet 2007, à l’Eurogroupe, ou le refus de Juncker, en octobre 2008, en pleine crise financière, de convoquer, un sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro, ou encore les passes d’armes sur le secret bancaire luxembourgeois... Juncker croyait que le dîner de réconciliation qui a eu lieu à l’Elysée, au lendemain du Conseil européen de décembre 2008, avait permis de dissiper les malentendus. Manifestement, il a sous-estimé la rancune présidentielle.

Cette dernière prive en tous les cas l’Europe d’un grand européen, dont les convictions communautaires ne sont plus à démontrer, contrairement à celles de Van Rompuy dont personne ne sait s’il a même un avis sur le sujet. L’amertume est grande au Grand Duché, et les plaies ouvertes mettront longtemps à se refermer. Il ne reste plus à espérer que l’ancien premier ministre belge se montrera à la hauteur de l’enjeu.
N.B.: manifestement, certains internautes ne se souviennent plus du fait divers «Omar m’a tuer», avè la fote dortograf. Cliquez ici. Le titre de ce post est une référence à cette affaire qui a défrayé la chronique en 1991.