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Reste que certains ministres des affaires étrangères sont toujours aussi furieux d'être désormais exclus de ce cénacle. Si Nicolas Sarkozy n'a pas caché qu'il appréciait d'être débarrassé de Bernard Kouchner et de se retrouver avec ses seuls homologues, d'autres sont plus gênés aux entournures. Ainsi, Angela Merkel, la chancelière allemande, a indiqué que les chefs de la diplomatie des vingt-sept assisteraient au moins à un sommet par an, histoire de faire plaisir au patron du FDP qui dirige sa diplomatie, Guido Westerwelle. Une décision que personne ne confirme et qui est même contraire au traité sur l'Union européenne (TUE). Celui-ci dispose, en effet, que, « lorsque l'ordre du jour l'exige, les membres du Conseil européen peuvent décider d'être assistés chacun par un ministre ». La décision est donc collégiale et au coup par coup. Herman van Rompuy a d'ailleurs confirmé cette interprétation, jeudi soir : « j'ai mis l'accent sur la composition du Conseil européen » devant les vingt-sept. « Les chefs de gouvernement et les chefs d'Etat sont les membres principaux du Conseil. Ils peuvent, le cas échéant, se faire accompagner, mais restent le noyau décisionnel du Conseil européen. Nous devons constituer un groupe, un cercle qui s'accorde, qui travaille pour la même cause, c'est-à-dire l'Union européenne ».

Enfin, la décision de l'Espagne de présider le Gymnich de Cordoue (réunion informelle des ministres des Affaires étrangères) passe tout aussi mal, car elle est contraire à l'esprit du traité qui voudrait que ce rôle soit dévolu à Catherine Ashton. « Il va falloir considérer que la présidence espagnole est une présidence de transition », tempère-t-on au Conseil des ministres. Avec la présidence belge, qui débute le 1er juillet prochain, suivie par la présidence hongroise, les choses devraient rentrer dans l'ordre, les petits pays n'ayant pas les prétentions des grands, et il sera difficile à un pays de revenir en arrière une fois Herman van Rompuy et Catherine Ashton solidement installés aux commandes. Cette dernière a d'ailleurs du pain sur la planche et elle ne sera sans doute pas fâchée, dans un premier temps du moins, d'être ainsi « épaulée » par l'Espagne : elle devra notamment fixer d'ici au printemps les contours du futur service diplomatique européen qui sera fort de plusieurs centaines de fonctionnaires, un travail immense. De même, il va falloir trancher la question de son agenda : entre les réunions du conseil des ministres des Affaires générales, de la Commission et les très nombreuses bilatérales, elle risque d'avoir des journées de 48 heures. « Il va falloir qu'elle se fasse aider, peut-être en déléguant des ministres des affaires étrangères différents selon les sujets », suggère un fonctionnaire européen.

Sans attendre, Van Rompuy a commencé à poser ses marques, en entamant une tournée des capitales. Il a aussi prévu de convoquer un conseil extraordinaire en février prochain afin de « dégager une stratégie économique claire », comme il l'a expliqué : « Le thème majeur de mon mandat, mais aussi celui de la Commission sera l'économie. Il ne suffira pas d'augmenter notre croissance économique de 1 %, il faudra au moins la doubler pour que notre système social soit financé de manière adéquate. Nous y tenons, c'est l'"European way of life", c'est notre modèle social grâce à une base économique et une infrastructure économique pour le soutenir et le financer ». Des enjeux autrement plus importants que les batailles procédurales retardatrices menées par l'Espagne…
Photos: Conseil des ministres