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Blog «Les 400 culs»

Avec la langue, il faut marcher sur des oeufs

Dans la plupart des cultures humaines, la langue abonde en expressions fleuries concernant le sexe. On cloue une femme, on la boit cul sec, on broute son hérisson, on enterre la sardine… Antonio Fischetti vient de publier un livre entièrement consacré à ces expressions parfois surréalistes venues du monde entier.  Un soir qu’il prend des verres avec des amis, Antonio Fischetti -, journaliste à Charlie Hebdo-, se met à parler musique. “Je ne sais plus pourquoi, à un moment donné, quelqu’un a parl
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publié le 16 décembre 2009 à 14h15
(mis à jour le 21 janvier 2015 à 16h14)

Dans la plupart des cultures humaines, la langue abonde en expressions fleuries concernant le sexe. On cloue une femme, on la boit cul sec, on broute son hérisson, on enterre la sardine… Antonio Fischetti vient de publier un livre entièrement consacré à ces expressions parfois surréalistes venues du monde entier.

Un soir qu'il prend des verres avec des amis, Antonio Fischetti -, journaliste à Charlie Hebdo-, se met à parler musique. "Je ne sais plus pourquoi, à un moment donné, quelqu'un a parlé de saxophone. Un copain turc a alors demandé malicieusement : "Vous savez ce que signifie "Jouer du saxophone" chez nous ?". Charb a sorti une vanne, comme à son habitude. Et l'idée d'écrire un dictionnaire sexuel international est venue, tout naturellement, clôturer cette soirée amusante. Quelques années plus tard, avec l'aide de trente traducteurs pas bégueules et du dessinateur Charb qui illustre joyeusement les textes, Antonio sort enfin ce livre, qui sous des airs faussement comiques, cache une extraordinaire somme de reflexions autour de la sexualité. Une exposition lui est même consacrée, au Musée de l'érotisme, qui consacre son dernier étage tout entier aux couvertures les plus outrageantes de Charlie hebdo, ainsi qu'aux mots les plus fleuris d'Antonio.

"Eternuer dans le chou fleur est un tour d'horizon, en mots et en images, des métaphores érotiques les plus savoureuses. Savez-vous ce que veut dire une «roulette vaticane» en Suède ? «Lancer l'hameçon», en Thaïlande ? «Recevoir Andres» en Argentine, «compter les carreaux» au Portugal ? «Etre porté par un nuage et conduire dans le brouillard» en Chine ? Après ce livre, vous ne verrez plus le monde de la même manière. Partout, vous verrez des seins, des pénis, des vulves. Partout !". Pour ne pas perdre pied entre les 6000 langues actuellement répertoriées dans le monde et les innombrables métaphore que l'on retrouve souvent dans des cultures parfois très éloignées, Antonio Fischetti a adopté le style court et coupant : "J'ai opéré un tri sélectif et subjectif, explique-t-il. Il est apparu que les métaphores se regroupaient en 6 grandes catégories qui ont donné lieu aux 6 chapitres du livre" : la nourriture, les animaux, le sport (et par extension la guerre), les objets, les étrangers et la religion.

Au chapitre nourriture, on se régale d'expressions parfois si imagées qu'elles pourraient très bien vouloir dire une chose et son contraire. Que peut bien signifier "jambonner" (jamonear) au Vénézuéla  ? Ou "faire marmelade" au Portugal ? Au rayon "self-service", Antonio Fischetti nous apprend que si les Français "montent les blancs en neige", au Pays-bas ils "battent la mayonnaise". Les Norvégiens, eux, "caressent le saumon". Les norvégiennes qui se masturbent, en revanche, "grattent les légumes" et les Anglaises "cuisent les concombres". Toujours en Angleterre, "faire un sachet de thé" désigne la "mise en bouche des testicules". "Eternuer dans le chou" signifie "faire un cunnilingus". Quand l'Iranien est en érection, il dit que son "kebab est en brochette". Quand c'est un Coréen, il dit que son "piment se met en colère". Ces expressions peuvent sembler anecdotiques. Pas tant que ça. Lisez attentivement ce livre avant de partir en voyage, car il y a des expressions comme "faire la vaisselle" ou "attendre au feu rouge" qui pourraient très bien vous valoir des moqueries à l'étranger.

L’autre intérêt de ce petit guide, c’est qu’il souligne l’universalité de certaines métaphores sexuelles. Celle des oeufs par exemple. En Israel (

beytsim

), en Chine (dan), en Finlande (munat), en Roumanie (oua), au Vénézuela (huevos), en Croatie (jaja)… En fait, quasiment partout, les oeufs désignent les testicules. Les Anglais apportent une précision en parlant d’eggs in the basket (oeufs dans le panier). “

On sait que la région la plus fragile du corps humain l’est autant que des oeufs,

explique Antonio Fischetti, avec délicatesse.

Ce qui explique que le caractère le plus signifiant des testicules, celui par lequel on éprouve le besoin de les désigner, ça n’est pas leur taille (contrairement au pénis, personne ne cherche à les surdimensionner), mais leur fragilité. Comme si la dualité entre pénis et testicules cristallisait toute l’ambivalence du sexe masculin: fort et puissant en façade, mais fragile et vulnérable par en-dessous

”.

Eternuer dans le chou-fleur, d’Antonio Fischetti. Dessins de Charb. Ed. Charlie Hebdo, les Echappés.

De novembre 2009 à mai 2010 : exposition Charlie Hebdo.
Musée de l'érotisme de Paris
: 72 Boulevard de Clichy 75018 Paris. Tél: 01.42.58.28.73