Comment un premier ministre qui s’affirme socialiste a-t-il pu soutenir la reconduction de José
Manuel Durao Barroso, un conservateur bon teint, à la tête de la Commission ? Hé bien, pas plus que moi, vous n’aurez la réponse, en dépit du titre alléchant ci-dessus. J’ai pourtant posé directement la question à José Luis Rodriguez Zapatero, jeudi après-midi, à Madrid. Et il a évité de me répondre, l’inexplicable pouvant difficilement s’expliquer. Le soir, son porte-parole a été un tout petit peu plus explicite : « Zapatero et Barroso s'entendent bien et ils peuvent se parler espagnol. C'est cela, plus la solidarité ibérique, qui a été déterminant, pas les questions politiques ». Mais attention, hein, il ne s'agit pas de « solidarité ethnique », juste de la « sympathie ». De toute façon, si Zapatero ne l'avait pas soutenu, il « aurait quand même été reconduit ».
Certes, mais Zapatero, tout comme Jose Socrates au Portugal et Gordon Brown en Grande-Bretagne, ont concouru a profondément diviser la famille socialiste, qui déjà ne gouverne plus que quelques États membres, et ce, juste avant les élections européennes. En outre, il a permis à Barroso, l'homme qui symbolise la dérégulation, celle qui a justement échoué, d'être reconduit dans un fauteuil tant au Conseil qu'au Parlement européen (il a exigé que les députés espagnols votent en sa faveur), ce qui est loin d'être neutre, sauf si l'on considère que les choix politiques n'ont aucune importance.
Il fallait donc se pincer pour ne pas rire lorsque Zapatero nous a expliqué qu’il était profondément socialiste et européen alors que son engagement inconditionnel aux côtés de Barroso pousse au minimum à s’interroger sur la cohérence de ses convictions. Je lui ai d’ailleurs demandé en quoi son programme pour la présidence espagnole de l’Union se démarquait des préoccupations de ses partenaires conservateurs. « L’Union est un projet qui repose sur une base sociale-démocrate », a-t-il répondu. « C’est une économie sociale de marché basé sur la solidarité dont les fonds structurels sont la principale manifestation ». Est-ce une façon de reconnaître que le socialisme n’a donc plus grand-chose à apporter à la construction communautaire à l’heure où il est pourtant question de réguler à nouveau ? Ou une façon de dire qu’au fond peu de choses séparent conservateurs, libéraux, socialistes ?
Il s’en défend : il voudrait, par exemple, que le nouvel agenda « 2020 », après le ratage de l’agenda 2010, adopté en 2000, qui aurait dû faire de l’Europe la zone la plus compétitive du monde cette année, comprenne des objectifs contraignants et vérifiables par la Commission européenne. Une excellente idée. Mais, outre qu’elle a déjà été défendue par des chefs de gouvernements démocrates-chrétiens comme Jean-Claude Juncker, Barroso lui-même s’y est opposé lors de la révision à mi-parcours dudit agenda… Incohérence quand tu nous tiens.Zapatero a cependant une vraie idée socialiste, comme il l’a proclamé : l’égalité homme-femme et la lutte contre les discriminations à l’égard des homosexuels. « Voilà un changement profond que les socialistes proposent qui ouvrira de nouveaux champs sociaux ». J’ai vraiment eu le sentiment, en sortant de cet entretien, que le socialisme avait besoin d’une profonde rénovation si son horizon se limite à cette question aussi importante soit-elle