
« La véritable mise sous tutelle de la Grèce décidée par l’Eurogroupe le 15 février aurait tout simplement été inimaginable il y a quelques mois », souligne un diplomate européen de haut rang. « On est au-delà d’une simple application des traités européens », poursuit ce diplomate : « nous sommes en train de les modifier sans le dire pour faire entrer dans les faits un véritable gouvernement économique de la zone euro ». Ainsi, depuis lundi, des experts de la Commission et de la Banque centrale européenne sont à Athènes pour éplucher les comptes grecs, assisté par le Fonds monétaire international (FMI) qui sait, mieux que les Européens, auditer les finances publiques. Leur but : s’assurer que le pays ne cache rien et prend les mesures d’austérité adéquates pour réduire son déficit public de 4 % du PIB, comme il s’y est engagé. C’est seulement à cette condition que ses partenaires de la zone euro lui viendront en aide si les marchés continuent à exiger des taux d’intérêt trop élevés pour lui prêter de l’argent (actuellement, l’augmentation des taux coûte à la Grèce 0,5 % du PIB en année pleine).
Les députés européens, lors du débat organisé hier sur les leçons à tirer de la crise grecque, ont
estimé qu’il fallait aller encore plus loin. Ainsi, Joseph Daul, le président du groupe PPE (conservateurs), le plus important du Parlement, a repris à son compte les propositions de l’ancien premier ministre français, Édouard Balladur : dans une tribune publiée dans le Figaro du 18 février, il estimait que « la participation à la zone euro ne peut se limiter à la gestion monétaire, elle doit aussi s’étendre à la gestion économique des États qui en sont membres.» En particulier, l’Eurogroupe, comme le propose aussi Jean-Claude Juncker, le premier ministre luxembourgeois et président de cette enceinte qui réunit les ministres des Finances, devrait « approuver les projets de budget élaborés par les gouvernements avant que ceux-ci ne soient soumis à leurs parlements respectifs ». Pour Daul, « ce n’est pas facile pour un Français de dire cela… » Et de conclure : « les États ne doivent plus s’accrocher à des apparences de souveraineté économique » qui ne sont que « des faux semblants ». Guy Verhofstadt, le président du groupe ADLE (libéral et démocrate), propose, lui, de créer un « fonds monétaire européen » capable d’émettre des emprunts européens : de fait, si l’Union dispose d’un fonds de 50 milliards d’euros pour aider les pays de l’Union hors zone euro, elle n’a aucun instrument équivalent pour la zone euro

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N.B.: Ce papier a été publié ce matin dans Libération