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Blog «Coulisses de Bruxelles»

La BCE s’affranchit des agences de notation

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C’était prévisible, c’est fait. Ce matin, la Banque centrale européenne a décidé de ne plus tenir compte de la note de la dette souveraine grecque afin de s’émanciper de la tutelle des agences de notation. En effet, Standard&Poor’s avait dégradé de trois crans la dette grecque le 27 avril dernier, de BBB+ à BB+, la reléguant au rang des investissements spéculatifs, les obligations pourries (junks bonds). En apparence technique, cette décision aurait pu avoir un effet catastrophique pour Athèn
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publié le 3 mai 2010 à 23h54
(mis à jour le 16 février 2015 à 16h11)
C’était prévisible, c’est fait. Ce matin, la Banque centrale européenne a décidé de ne plus tenir Jc-trichet-2.1193563359 compte de la note de la dette souveraine grecque afin de s’émanciper de la tutelle des agences de notation. En effet, Standard&Poor’s avait dégradé de trois crans la dette grecque le 27 avril dernier, de BBB+ à BB+, la reléguant au rang des investissements spéculatifs, les obligations pourries (junks bonds). En apparence technique, cette décision aurait pu avoir un effet catastrophique pour Athènes, la BCE ne prêtant de l’argent aux banques commerciales qu’en échange d’actifs notés au minimum BBB-. Autrement dit, la dette grecque était en passe de ne plus être éligible comme « collatéral » si les autres agences de notation suivaient S&P. Cela aurait eu pour effet de pousser toutes les banques à se débarrasser des titres grecs et, en tout cas, à ne plus les acquérir, ceux-ci devenant inutiles… Un beau cercle vicieux.
Cela posait un véritable problème à la BCE, puisqu’il apparaissait que les agences de notation avaient clairement le pouvoir de l’obliger à refuser la dette souveraine d’un État membre de la zone euro, alors même qu’elle affirme que la cessation de paiement n’est pas une option sérieuse et que le plan d’austérité de la Grèce est crédible. Bref, la BCE n’avait guère d’autre choix, comme je l’ai annoncé sur ce blog, que de s’affranchir du jugement des agences de notation. Logiquement, ce matin, la BCE a donc « décidé de suspendre l’application, dans le cas des titres de créance négociables émis ou garantis par l’État grec, du seuil minimum de notation du crédit requis pour l’éligibilité des actifs admis en garantie des opérations de crédit de l’Eurosystème. Cette suspension restera en vigueur jusqu’à nouvel avis ».
Francfort donne la clef de son raisonnement : « le gouvernement grec a approuvé un programme d’ajustement économique et financier, qui a été négocié avec la Commission européenne, en liaison avec la BCE, et avec le Fonds monétaire international. Le Conseil des gouverneurs a évalué ce programme et le juge approprié. Cette évaluation positive et l’engagement fort du gouvernement grec d’appliquer intégralement le programme justifient, également du point de vue de la gestion des risques, la suspension annoncée par le présent communiqué. Cette suspension s’applique à tous les titres de créance, existants ou nouveaux, émis ou garantis par l’État grec”. Autrement dit, le jugement de la BCE est supérieur à celui des agences de notation.
Down+arrow La logique voudrait que la BCE aille plus loin et accepte en collatéral en toutes circonstances la dette souveraine des États de la zone euro. En effet, ces derniers font partie d’un système, garanti par l’Eurogroupe, la Commission et la BCE qui est censée éviter qu’une dette soit renvoyée au rang de “junk bond«. Si tel n’est pas le cas, il revient à la BCE seule de décider quel type de papier elle prend en collatéral sans se préoccuper du jugement des agences de notation qui n’ont pas sa connaissance intime de l’état des finances publiques des membres de la zone euro. Il est donc regrettable que la BCE n’ait pas été plus loin: sa décision est en effet temporaire et est limitée à la seule dette grecque. Mais c’est déjà un premier pas.
Le rôle de pompiers pyromanes joué par les agences de notation a aussi convaincu les Européens de créer une agence européenne: Jean-Claude Trichet, le patron de la BCE, Angela Merkel, la chancelière allemande, et Michel Barnier, le commissaire au marché intérieur, viennent de prendre position en ce sens.