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Blog «Les 400 culs»

Drogue de l’amour: ocytocine, c’est l’osmose !

Faire l’amour adoucit les mœurs. Maintenant, on en a la preuve. Testée en spray nasal, l’ocytocine, une hormone libérée au moment de l’orgasme, pourrait devenir le nouveau médicament des personnes souffrant de «troubles relationnels». Dans le milieu médical, une hormone fait le buzz : l’ocytocine, qui donne le sentiment d’être en accord avec les autres. C’est l’hormone du lien amoureux, affectif et sexuel. Produite au moment de l’orgasme, elle est également libérée en grande quantité dans le co
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publié le 17 juin 2010 à 11h50
(mis à jour le 21 janvier 2015 à 16h14)

Faire l’amour adoucit les mœurs. Maintenant, on en a la preuve. Testée en spray nasal, l’ocytocine, une hormone libérée au moment de l’orgasme, pourrait devenir le nouveau médicament des personnes souffrant de «troubles relationnels».

Dans le milieu médical, une hormone fait le buzz : l’ocytocine, qui donne le sentiment d’être en accord avec les autres. C’est

. Produite au moment de l’orgasme, elle est également libérée en grande quantité dans le corps au moment de l’accouchement, ou lorsque vous entendez la voix chérie. Elle relie les amants. Elle unit la mère à l’enfant. Elle donne confiance en soi. Elle donne surtout envie de communiquer. Jusqu’ici, l’ocytocine n’était guère utilisée que dans les maternités: on l’administre traditionnellement aux parturientes, parce qu’elle permet aux femmes d’accoucher plus vite et provoque des montées de lait. Maintenant, on songe à d’autres usages, notamment

. Menée par la chercheuse Angela Sirigu, une

testait, en février dernier, cette hormone sur une douzaine d’autistes avec des résultats plus que positifs.

«

Les participants, atteints d’un syndrôme d’Asperger ou d’un autisme de haut niveau, présentaient un déficit en matière de comportement social. Il aura suffi qu’ils inhalent un peu d’ocytocine via un spray nasal pour améliorer sensiblement leur capacité à interagir avec autrui. Ces résultats préliminaires devront bien sûr être confirmés à plus large échelle. Mais ils concordent avec de précédentes observations qui avaient mis en évidence le fait que les enfants atteints d’autisme naissent avec un taux d’ocytocine particulièrement bas

» (

).

L’ocytocine, hormone du plaisir à deux, a plusieurs effets sur notre psychisme. Tout d’abord, elle freine l’activité de l’amygdale, le centre de la peur dans notre cerveau. Elle diminue donc la crainte que l’on éprouve vis-à-vis des autres, ou le sentiment de défiance, voire «d’étrangeté» qui nous envahit face à des inconnus. Mais l’ocytocine a un autre effet: elle stimule la production de dopamine qui donne du plaisir.

«

Ce serait donc grâce à cette hormone que nous percevons les contacts sociaux comme une activité plaisante. D’où l’intérêt d’y recourir pour aider les personnes qui souffrent de graves difficultés relationnelles

.» Certains chercheurs considèrent l’ocytocine comme un médicament presque miracle. Un des plus enthousiastes, le professeur

, de l’Université de Freibourg (Allemagne), dirige un programme de recherche consacré au traitement des patients souffrant de «phobies sociales» ou d’autisme. Il prône l’administration d’ocytocine, combinée à une thérapie comportementale pour soigner les «personnalités borderline». Pourra-t-on guérir des violeurs récidivistes ou des agresseurs sexuels avec l’hormone de la chimie amoureuse? Quid de la dépression? Ou de la timidité maladive?

Le 13 juin 2010, l’édition dominicale du

Matin

titre :

«Un simple Pschiit peut rendre plus sociable

». En illustration: un homme à l’air mélancolique presse un spray dans sa narine gauche. «

Ce n’est pas une drogue récréative»,

proteste Markus Heinrichs, qui réserve l’usage de l’ocytocine aux malades souffrant de sérieux problèmes. Il n’empêche. Jusqu’ici, on se contentait de penser que faire l’amour rendait heureux, pacifiait les âmes et faisait entrer les êtres en communion. Maintenant, on sait que c’est vrai et qu’il est possible de recréer artificiellement, grâce à une molécule de synthèse, l’effet produit par l’union sexuelle et/ou amoureuse. Quelles pourraient être les retombées d’une telle découverte? Certaines personnes seront certainement tentées de doper leur vie sociale à coup de snif. D’autres, tirant parti de leurs dispositions biologiques naturelles, préfèreront peut-être faire l’amour plus souvent. Avant de faire un discours en public par exemple. Avant de passer une audition. Avant une épreuve à l’oral. Avant d’affronter une explication orageuse. Avant un rendez-vous galant peut-être même? Imaginez le désir comme la propagation d’une flamme. Imaginez l’incendie.

Pour compléter utilement cet article : une interview-vidéo, sur Pratis TV, du Dr Marie-Claude Benattar, spécialisée dans «la chimie du désir». Remettant en cause l’idée que nos désirs sont influencés uniquement par des
, cette gynécologue rappelle —pour ceux ou celles qui auraient tendance à tout mettre sur le compte de leurs hormones— que la part de l’inconscient ou de l’éducation reste également très importante.

«On a tous un cortex et une hypophyse, dit-elle, mais il y a quelque chose au-dessus, l'inconscient notamment. On n'est pas qu'un corps avec des hormones et des organes on est aussi un cerveau qui analyse, qui ressent», avec ses tabous, ses émotions, ses souvenirs, ses traumatismes ou ses limites. Résultat : la jouissance n'est pas acquise. «Beaucoup de gens pensent que le plaisir tombe du ciel. Or ça se travaille» affirme Marie-Claude Benattar, qui compare le sexe à de la gourmandise : «Il y a des gens qui vont dans un excellent restaurant et ça ne leur fait pas un effet incroyable, et puis il y a des nanas qui passent devant une simple boulangerie et là leurs yeux s'éclairent.» Certaines arrivent à jouir très facilement. D'autres n'y arrivent pas. Les hormones seules ne suffisent donc pas. «Le désir, c'est multi-factoriel, conclut la gynécologue. Ça dépend du caractère par exemple. Il y a des tempéraments heureux, qui rient, d'autres sont froids et ont du mal à ressentir les choses. Il y a aussi des gens qui ont des difficultés avec le corps. Nous sommes très inégaux face au bonheur ou à la sexualité.»