
Les six mois écoulés ont été un cauchemar pour Madrid, qui espérait pourtant profiter de cette présidence pour affirmer sa place en Europe et dans le monde. Mais la crise a rattrapé l’Espagne triomphante de la dernière décennie et José Luis Zapatero, le Premier ministre socialiste, a été dépassé par les événements : incapable de proposer quoi que ce soit pour faire face à la crise de la dette souveraine, refusant de voir que son pays était menacé par des marchés déchaînés, il a attendu que Barack Obama, le président américain, l’appelle, le 10 mai, au lendemain de l’adoption d’un plan de sauvetage européen de 500 milliards d’euros, pour le presser d’adopter un plan de rigueur pour qu’il se décide enfin à bouger…
Il est vrai que tout avait mal commencé pour l’Espagne : alors qu’elle avait préparé une présidence classique, l’entrée en vigueur, le 1er novembre 2009, du traité de Lisbonne l’a prise au dépourvu. Car ce texte prévoit un changement institutionnel majeur : les désignations d’un président du Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement, et d’un chef de la diplomatie de l’Union, qui préside le Conseil des ministres des Affaires étrangères. Autrement dit, la «présidence tournante»
devient largement obsolète, puisqu’elle n’oriente plus que les travaux des Conseils des ministres techniques (hors Eurogroupe, dont le président est permanent). Au lieu de s’adapter, Zapatero a fait de la résistance, notamment en exigeant d’organiser les sommets bilatéraux entre l’Union et les pays tiers en Espagne, et non à Bruxelles. Cette bataille de préséance a tellement agacé Barack Obama que celui-ci a annulé, le 2 février, le sommet avec l’UE prévu les 24 et 25 mai. Un camouflet dont Madrid ne s’est toujours pas remis.

La Belgique, elle, n’a nullement l’intention de défendre les prérogatives de la présidence semestrielle tournante. Elle veut au contraire en profiter pour aider le président permanent du Conseil européen à consolider les siennes. Le fait qu’il s’agisse d’un ancien Premier ministre belge, Herman Van Rompuy, n’est évidemment pas étranger à cette bonne volonté affichée. «Nous sommes prêts à limiter notre rôle […] parce qu’il faut donner de l’espace à Herman Van Rompuy et à Catherine Ashton [Haute représentante pour les Affaires étrangères, ndlr], pour qu’ils puissent exercer leurs nouvelles compétences», a déclaré Yves Leterme, Premier ministre sortant. De toute façon, le gouvernement belge traite les affaires courantes et son successeur, issu des législatives du 13 juin, ne sera pas constitué avant octobre, au mieux. La Belgique a donc préféré théoriser sa propre inexistence.