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Blog «Coulisses de Bruxelles»

Belgique : les couleuvres d’Elio Di Rupo

Jusqu’où Elio Di Rupo est-il prêt à aller pour prendre la tête d’un gouvernement comprenant les indépendantistes flamands de la N-VA, grands vainqueurs des élections législatives du 13 juin en Flandre ? Manifestement très loin. Le patron du PS francophone, nommé « pré-formateur » le 9 juillet dernier, à l’issue de la mission menée par « l’informateur » Bart De Wever, le patron de la N-VA, vient d’envoyer un signal pour le moins nauséabond aux « flamingants » (nationalistes flamands) de tous p
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publié le 18 juillet 2010 à 18h29
(mis à jour le 16 février 2015 à 16h11)
Jusqu’où Elio Di Rupo est-il prêt à aller pour prendre la tête d’un gouvernement comprenant les Di-rupo-masque indépendantistes flamands de la N-VA, grands vainqueurs des élections législatives du 13 juin en Flandre ? Manifestement très loin. Le patron du PS francophone, nommé « pré-formateur » le 9 juillet dernier, à l’issue de la mission menée par « l’informateur » Bart De Wever, le patron de la N-VA, vient d’envoyer un signal pour le moins nauséabond aux « flamingants » (nationalistes flamands) de tous poils en se montrant ouvert à une loi d’amnistie des Belges condamnés pour avoir collaboré avec les Nazis durant la Seconde Guerre mondiale.
Cette question, qui ressurgit de façon inattendue, soixante-cinq ans après les faits, a longtemps empoisonné le climat politique entre Néerlandophones et Francophones, le mouvement nationaliste flamand ayant massivement versé dans la collaboration. L’amnistie a longtemps été une revendication plus ou moins assumée d’une partie partis politiques flamands, et pas seulement des « flamingants » les plus extrémistes, style Vlaams Belang. À tout le moins, l’attitude des partis démocratiques du nord du pays a toujours été pour le moins ambiguë, ceux-ci faisant des collaborateurs flamands des « victimes » et non des bourreaux. Il est vrai qu’à deux reprises, en 14-18 et en 40-44, le mouvement nationaliste flamand s’est gravement compromis avec l’occupant allemand qui avait compris le potentiel des revendications indépendantistes… C’est pour cela que le Flamand Jacques Brel chantait : « nazis durant les guerres, catholiques entre elles ». Mais, avec le temps, on croyait la question enterrée, aucun parti flamand ne revendiquant plus une loi d’amnistie.
Mais, en quelques jours, deux intellectuels flamands, Philippe Van Meerbeeck, psychiatre et psychanalyste, et la baronne et militante catholique, Hilde Kieboom, qui n’ont aucun lien avec l’extrême droite, ont remis la question sur le tapis en appelant à l’adoption d’une loi d’amnistie « pour qu’enfin il y ait pardon, conditions sine qua non pour qu’il y ait réconciliation entre les Belges », jugeant que l’alliance entre Bart De Wever et Elio Di Rupo permettait de rouvrir la question.
Le Soir daté de samedi a révélé, dans la foulée, qu’Elio Di Rupo s’est montré intéressé par le sujet et a même eu une discussion téléphonique avec Van Meerbeeck à ce sujet. Selon le quotidien francophone, le patron du PS se serait dit ouvert à la création d’une commission parlementaire sur le sujet afin d’étudier les conditions d’un « pardon »… Dans la journée de samedi, le PS a rétropédalé en affirmant que la question n’est « pas à l’ordre du jour politique ». On peut en douter : Di Rupo a manifestement voulu envoyer un signal de bonne volonté à son partenaire au sein de la future majorité, la N-VA. Bart De Wever, dont le grand-père, quel hasard, a été membre de la Vlaams Nationaal Verbond (VNV), le parti fasciste flamand, qui a activement collaboré…
Staf02 Cet épisode pour le moins choquant (imagine-t-on l’Allemagne envisager l’amnistie des nazis pour réconcilier les Allemands ou la France absoudre ses collaborateurs ?) montre, en tout cas, que Di Rupo semble prêt à avaler de nombreuses couleuvres pour décrocher le poste de Premier ministre. Déjà, il est clair que les droits des Francophones de la périphérie bruxelloises seront sacrifiés sur l’autel de l’accord de gouvernement qui se profile. On ne voit pas, sinon, comment la N-VA pourrait accepter de participer à une quelconque majorité. En clair, cela signifie la scission sans contrepartie de l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV) qui permet aux Francophones de la périphérie bruxelloise de voter pour des partis francophones de Bruxelles et d’être jugés en français. On peut aussi craindre le pire pour les six « communes à facilités » de la même périphérie où résident pourtant une très large majorité de Francophones.
Certains craignent même que le PS accepte une tutelle flamande sur Bruxelles (francophone à plus de 90 %), comme le revendique Bart De Wever. Il faut bien voir qu’Elio Di Rupo, Wallon, n’a guère d’intérêt pour Bruxelles et que les Bruxellois se moquent totalement du sort des Francophones de Flandre. Car, s’il existe une nation flamande, il n’existe absolument pas une nation francophone… Bref, un tel abandon n’aurait sans doute guère de conséquences électorales pour le PS.
À partir de là, la plus grande partie des buts de guerre de la N-VA seront atteints : le territoire Medium_belgo_paarden_blg flamand sera définitivement constitué et sanctuarisé. La « réforme de l’État » qui suivra prendra la forme d’une dévolution ordonnée à la Flandre et à la Wallonie (la région de Bruxelles risque de faire les frais d’un accord territorial entre les deux autres régions) d’une grande partie des compétences de l’État fédéral. La monnaie d’échange sera sans doute l’abandon temporaire d’une scission de la sécurité sociale que revendique la N-VA. Ainsi, Di Rupo pourra se prévaloir d’avoir « sauvé » la Belgique, maintenu la solidarité entre le nord et le sud et formé un gouvernement dirigé par un Francophone pour la première fois depuis trente ans.

<span>Mais à quel prix ? Celui d'une accélération de l'évaporation de la Belgique, précisément ce que demande De Wever… Si on ne voit vraiment pas comment la Belgique pourrait éviter le sort qui lui semble promis, on peut néanmoins se demander s'il revient aux Francophones de mettre en œuvre les revendications flamingantes.</span>