Etrange ambiance ces jours-ci autour du futur métro du Grand Paris. D’un côté, deux débats publics, l’un sur le réseau du gouvernement, la double boucle, et l’autre sur le projet des deux arcs sud et nord de la région, Arc Express. Tout cela est très normé par les textes et la série de réunions se poursuit selon le calendrier fixé jusqu’à fin janvier.
Mais entretemps, Les architectes réunis au sein de l'Atelier international du Grand Paris, l'AIGP, ont présenté leur solution pour «un grand système métropolitain». Et la région elle-même a modifié sa copie, présentant à la presse une rocade bouclée avec des arcs est et ouest, solution de «complémentarité». Dans cette situation bizarre où s'affrontaient deux projets quand tout le monde s'accorde à reconnaître qu'il faudra bien une synthèse à la fin, ces nouveaux apports semblaient dessiner une porte de sortie.
Cette évolution ne plait guère la Société du Grand Paris qui doit construire la double boucle de métro automatique élaborée en son temps par Christian Blanc. Présenté comme un dispositif ambitieux et total, contrairement aux deux arcs de la région, il a été fragilisé la semaine dernière par la démonstration assez spectaculaire des architectes. Et en partie aussi par les propositions récentes de la région.
A la SGP, Marc Véron, le directeur général, rappelle que ce qui est soumis au débat public, ce n'est que la double boucle d'un côté et deux arcs de l'autre. «Depuis, la régiion a fait des dessins mais formellement, il y a un problème. Jean-Paul Huchon a d'ailleurs écrit que le public serait consulté dans un second temps». Les rajouts de la région et la contribution de l'AIGP ne peuvent être, à ses yeux, que des avis prévus par la loi. Pas des projets supplémentaires.
Sur le fond, la SGP défend son choix de métro automatique de 150 kilomètres de long. «L'intérêt de ce que nous proposons, c'est que c'est un réseau bouclé, avec le moins possible de ruptures de charge (correspondances, ndlr)».
De fait, c’est aussi l’argument de la RATP, où l’on est chaud partisan de la double boucle que la régie devrait réaliser.
Le plan des architectes, qui fait ici un bout de métro, là un tram-train, ailleurs récupère une voie ferrée existante, se rapproche davantage des idées de la SNCF que du tout métro, spécialité RATP.
A la SGP, on estime que ce plan a deux défauts majeurs. D 'abord, «il s'appuie sur une série de segments, avec beaucoup de ruptures de charge. Cela perd beaucoup de puissance».
Ensuite, le système des architectes est fondé sur l'idée du cadencement. En clair, les passages des rames est régulier, on ne se soucie plus des horaires, on change comme dans le métro. A la SGP, on n'y croit pas du tout. «Pour avoir un système cadencé à la suisse, il faut que chaque segment fonctionne bien. On ne peut pas plaquer un système de cadencement sur un dispositif qui n'a pas été assaini». Et d'insister sur trente ans de retard d'investissements dans les trains de banlieue, que vient de souligner la Cour des comptes.
Quant à la récupération des infrastructures existantes, la Société du Grand Paris n'y croit pas. On y prend l'exemple de la grande ceinture. «Il n'y a pas plus chargé que cette grande ceinture, au point que le fret qui y passe n'est pas capable d'assurer de la ponctualité. Récupérer des lignes existantes n'a de sens que si on les dégage des autres flux».
Y aurait-il de l'inquiétude à la SGP? A l'Elysée, affirme-t-on à la région, les nouvelles propositions de Jean-Paul Huchon auraient été qualifiées d' «intéressantes». Le plan des architectes aurait été envoyé à la direction régionale de l'Equipement pour un début d'expertise.
Parallèlement, la nécessité de mettre sans doute 18 milliards dans la réparation de l'existant (via le plan de mobilisation de la région) commence à s'imposer dans les esprits. C'est l'urgence. Peut-on s'offrir en plus l'endettement d'un projet supplémentaire à 23 milliards d'euros.
Une critique assez dévastatrice de cette double boucle vient d'être publiée sur le site de la revue Métropolitiques par le chercheur Jean-Pierre Orfeuil, grand spécialiste des mobilités. En ces temps de questionnement, elle arrive à point nommé pour enrichir le débat.