Hier soir à Paris, a enfin eu lieu la réunion du débat public consacrée au financement des projets de transports en Ile-de-France. Les tenants des deux réseaux de métro, la Société du Grand Paris (SGP) d’un côté, et le Syndicat des transports d’Ile-de-France (Stif) de l’autre, répartis symétriquement à la tribune, ont détaillé les coûts d’investissement puis de fonctionnement de leurs projets. Une réunion reportée deux fois déjà. Et assez attendue.
Les questions d’argent sont en effet celles qui compliquent aujourd’hui les négociations entre le gouvernement - en l’occurrence le ministre de la Ville Maurice Leroy - et la région. Pour résumer à grands traits, la région estime qu’il y a trop de moyens alloués à la Société du Grand Paris, et pas assez au Stif.
Reprenons. Les protagonistes doivent dégager une synthèse entre les deux projets de transport concurrents: la double boucle de la SGP et Arc Express du Stif. Arc Express fait en outre partie d’un ensemble plus vaste, le plan de mobilisation de la région. Dans ce plan, figurent les urgences de remise à niveau des RER les plus déglingués (C et D), le prolongement de lignes de métro, la création de
«tangentielles»
ferrées en moyenne couronne.
Sur les tracés, tout le monde est en voie de se mettre d'accord, encore qu'il y ait un peu de mou pour la desserte du plateau de Saclay. «Mais quand on voir de quoi on est partis, a dit hier Jean-Paul Huchon, le président de la région, je crois que cela valait le coup de prendre un peu de temps.»
Restent les finances. De la pluie de chiffres qui s’est abattue hier soir sur l’assistance, on va essayer de ne retenir que ce qui pose problème.
La région râle parce qu'il lui manque des ressources pour l'investissement. Sur les 19 milliards d'euros qu'il lui faut, elle comptait sur 4,6 milliards de recettes instaurées par la loi de finances rectificative 2010. Le chiffre était issu du rapport de Gilles Carrez, député UMP et par ailleurs rapporteur général du budget, sur le Grand Paris.
Malheureusement pour l’exécutif régional, le rapporteur n’a pas été suivi par le gouvernement et le Parlement. La SGP a reçu dans son escarcelle une taxe (le Fonds d’aménagement de la région Ile-de-France), que la région espérait bien récupérer. Et le versement transports payé par les entreprises, a été moins revalorisé que ce que souhaitait Jean-Paul Huchon. Résultat: il manque 3,6 milliards, estime le Stif.
Donner c'est donner et reprendre c'est voler dit l'adage mais hier, le directeur régional de l'Equipement a laissé entendre que la SGP pourrait être amenée à prêter d'une main ce qu'elle a empoché de l'autre. «Le préfet de région, qui siège au sein de la SGP en tant que commissaire du gouvernement a suggéré d'utiliser par anticipation un certain nombre de crédits», a dit ce haut fonctionnaire. Voilà qui détendrait un peu la négociation.
Mais les plus grosses inquiétudes concernent l'après-construction. Le Stif a fait ses comptes: une fois que la SGP lui aura remis le cadeau de son nouveau réseau comme la loi le prévoit, à combien s'élèveront les coûts de l'exploitation? A 1,2 milliard par an, a-t-on chiffré dans les services du Syndicat. Il lui manque «700 millions par an, qui restent à couvrir», a résumé Sophie Mougard, la directrice du Stif.
Dans la synthèse des projets qui se dessine, il y aura sans doute un assez gros morceau de l’ex-double boucle. La SGP, désormais créée par la loi Grand Paris, en assurera la réalisation, la maîtrise d’ouvrage comme on dit en langage technique. Pour ce faire, elle empruntera 9,5 milliards d’euros, pour compléter une addition totale de 20 milliards, chiffrée hier à la tribune par le directeur financier de la SGP.
Qui paiera ensuite la dette? La SGP, s'est récrié son directeur Marc Véron. Elle aura pour cela 550 millions de recettes fiscales par an, plus les redevances de péage acquittées par l'utilisateur. A combien s'élèveront ces redevances? «Ce sera fixé par décret, a répondu Marc Véron. Je ne suis pas en mesure d'énoncer la moindre quantité». Jean-Paul Huchon, qui a exprimé des doutes sur «l'étanchéité» de la dette, a lancé à Véron: «Vous avez 550 millions assurés et le reste, vous nous dites que ce sont les redevances d'usage. Mais qui les paye? Nous».
Les journalistes n’assistent malheureusement pas aux réunions mais, comme on le voit, la négociation finale doit être riche d’échanges.