
Inconcevable ? Vous avez raison. C’est non seulement inconcevable en France ou dans n’importe quel pays démocratique, mais aussi en Belgique francophone où le FN est totalement isolé (et réduit à la portion congrue). En revanche, cela l’est tout à fait en Flandre. Ainsi, hier matin, dans la cathédrale d’Anvers, en Flandre, ont eu lieu les funérailles de Marie-Rose Morel, ancienne Miss Flandre, députée au Parlement flamand du Vlaams Belang, un parti dont le fonds de commerce est l’indépendance de la Flandre et le racisme. Décédée d’un cancer de l’utérus, cette jeune femme de 38 ans avait médiatisé son combat contre la maladie et était devenue omniprésente dans les médias flamands, ceux-ci, tout à leur empathie pour cette « mère courage », faisant table rase de son idéologie fasciste. Même le quotidien libéral Het Laatste Nieuws lui a offert une tribune dans laquelle elle chroniquait son combat contre la maladie.
Son cercueil, porté par quatre militants du Vlaams Belang était recouvert du drapeau flamand
(le drapeau aux couleurs indépendantistes, bien sûr). Plus de 2000 personnes ont assisté à cet événement, tout comme plusieurs anciens ministres de partis démocratiques (notamment du CD&V, le parti démocrate-chrétien). Et, last but not least, l’éloge funèbre a été prononcé par un Bart De Wever éploré. Le fondateur et patron de la N-VA, le parti indépendantiste flamand qui pèse près de 30 % des voix en Flandre, est coutumier du fait : en 2007, avec Jean-Marie Le Pen, qui vient aussi de rendre hommage à Morel, il avait assisté aux obsèques du fondateur du parti fasciste flamand, Karel Dillen, en mémoire de son père qui fut son ami (voir le reportage de la RTBF, la télévision francophone boycottée par Bart De Wever).

Certes, De Wever n’est pas fasciste. Certes, Morel a été son amie et c’est lui qui lui a mis le pied à l’étrier en politique. Ils se sont fâchés lorsqu’elle a rejoint le Vlaams Belang, même si elle a fait partie de son aile « moderniste », c’est-à-dire celle qui ne cultive pas de nostalgie nazie. Mais celui qui est potentiellement le premier ministre de Belgique, puisqu’il dirige le plus grand parti du pays, peut-il impunément rendre hommage à un membre d’un parti d’extrême droite xénophobe ? L’ensemble des médias peut-il gommer les appels à la haine dont elle était coutumière du temps de sa splendeur ? La maladie puis la mort doivent-elles faire oublier l’idéologie du cher disparu ? Les réponses à ces questions sont positives en Flandre, région où le « cordon sanitaire » autour du Vlaams Belang a depuis longtemps sauté. Il est vrai que des élections anticipées se profilent et que la N-VA qui a déjà siphonné une partie de l’électorat du parti fasciste veut continuer sur sa lancée. Le message que fait passer De Wever est simple : la communauté flamande est au-dessus des clivages idéologiques… Et tant pis si, au passage, on banalise l’idéologie du Vlaams Belang et que l’on encourage une porosité entre l’extrême droite et la droite.

Photo de Bart De Wever: News