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Blog «Les 400 culs»

SAS au féminin

Depuis sa création en 1965, Son Altesse Sérénissime (héros de la série SAS) a plutôt mal vieilli sur le plan érotique. C’est le dragueur has been de service, baiseur macho et affreusement suranné. Pour le remettre au goût du jour, la société We Love Words, en association avec les éditions J’ai Lu, a décidé de créer une série au féminin: SAS femelle, l’agente sexe hyper-secrète. Et ouvre un concours pour en trouver l’auteur. Il a les yeux dorés, il aime la sodomie (mais pas sur lui, ça non) et i
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publié le 28 février 2011 à 14h30
(mis à jour le 21 janvier 2015 à 16h13)

Depuis sa création en 1965, Son Altesse Sérénissime (héros de la série SAS) a plutôt mal vieilli sur le plan érotique. C’est le dragueur has been de service, baiseur macho et affreusement suranné. Pour le remettre au goût du jour, la société We Love Words, en association avec les éditions J’ai Lu, a décidé de créer une série au féminin: SAS femelle, l’agente sexe hyper-secrète. Et ouvre un concours pour en trouver l’auteur.

Il a les yeux dorés, il aime la sodomie (mais pas sur lui, ça non) et il traque les vilains à travers le monde. “Son Altesse Sérénissime” (SAS), alias Malko Linge, prince autrichien et agent secret de la CIA, devrait bientôt avoir de la concurrence. Le «réseau social»

- en association avec les éditions J’ai Lu- vient de lancer une offre à tous ceux et toutes celles que les polars érotico-stratégiques intéressent: aimeriez-vous écrire la suite de SAS, en version féminine? Les éditions J’ai Lu cherchent «

un auteur original et nouveau

». A vous de jouer, donc.

«L'opération que nous montons est originale en plusieurs points, explique Abeline Majorel, créatrice des «Chroniques de la rentrée littéraire» et partenaire de We Love Words. Tout d'abord, une vision de crowdsourcing méritocratique: nous souhaitons trouver un auteur original  et nouveau, en laissant la chance à tous de proposer quelque chose. Deuxièmement: une vision renouvelée de l'érotisme "de gare". Nous voulons renouveler le genre, chercher quelque chose de féminin et percutant, de drôle et de profond. Enfin: un accès à l'édition érotique "tous publics«». En d'autre terme : chez J'ai Lu, on aimerait bien que les filles aussi lisent des polars, sans se sentir éternellement humiliées par des descriptions aussi pitoyablement machistes et racistes que celles-ci: «C'était quand même une sacrée soirée! Il n'aurait jamais pensé que cette petite villageoise vienne jusque-là pour se faire baiser. Fièrement, il en conclut que les Kosovars devraient avoir des petites queues.»

Sur le plan érotique, la série SAS témoigne d'une affligeante ringardise. Le héros, éternellement, s'y présente toujours dès les premières lignes en compagnie d'une potiche sexuelle qu'il fait grimper aux rideaux même quand elle n'est pas d'accord —normal, les filles disent toujours «non» en pensant «oui»— après quoi, place à l'action. «On a beau dire, une bonne baise ça détend» souligne Gérard, créateur du blog des Gérard, qui consacre à Gérard de Villiers une chronique ironique. «Un féminisme hystérique et intégriste voudraient faire passer Gérard de Villiers pour un affreux machiste: c'est vrai. Disons que ce Gérard-là n'a pas peur de dire ce qui revient aux hommes, ni d'avouer ce qu'il aime chez les femmes. Les Gérard ne sont pas des lavettes, on le sait. Ils bandent dur, ils ne font pas dans le refoulement idiot d'un désir de prédation sexuelle sauvage: des hommes, des vrais.»

Directrice artistique de

, Sophie Blandinières ne tarit pas de critiques non plus: «

Le héros ressemble à son créateur. Gérard de Villiers parle des femmes en synecdoques. Elles n’ont pas d’unité, elles sont là seulement pour satisfaire Malko, elles sont des bouts de chair à jouir. Et surtout, elles ne sont pas là pour penser. Perso, ça ne m’énerve pas, ça me fait rire. Quand Gérard de Villiers traite Ségolène Royal de »bourgeoise salope«, je me marre. Et je crois que s’il y a ringardise, c’est uniquement dans sa perception des femmes, dans son machisme à l’ancienne. Parce que ses histoires elles collent à l’actu.»

Fan des SAS «

malgré tout

», Sophie Blandinières a monté cette opération en forme d’hommage au maître. Sa série sera concurrente, mais pas que:

«Ça participe de sa promo,

dit-elle,

ne serait-ce que parce que les personnes désirant participer devront acheter des SAS pour pouvoir en proposer une version plus sexy…

».

Son désir secret: que Gérard de Villiers accepte de faire partie du jury. Le pourra-t-il? Avec sa moyenne de cinq SAS par an, et les voyages à l'étranger qu'il doit effectuer afin de documenter ses livres, sans oublier les innombrables enquêtes qu'il mène sur place, avec son réseau de fixeurs, d'indics, de «bons contacts» ou d'informateurs, Gérard de Villiers passe sa vie à dévoiler les pots aux roses que la presse muselée ne peut pas sortir… Ça lui demande du temps. Ce qui explique peut-être pourquoi les scènes de "baise" sont si baclées dans ses livres, tout juste du niveau masturba-troufion. Sauvons SAS. Sortons-le de sa misère sexuelle.

ONZE QUESTIONS A SOPHIE BLANDINIERES

Voulez-vous en finir avec SAS ?
Arrêter la série SAS, ce serait comme interdire le machisme, faire grandir Sarkozy sans talonnettes, ou faire (mal) de l'équitation avec un bijou anal: ce serait dommage… Non, plus sérieusement, nous ne sommes pas régicides. Pas question de tuer de Villiers (d'ailleurs nous n'en avons pas le pouvoir, il a sa propre maison d'édition). Plus intéressant d'en donner une autre version. Un hommage paradoxal. Donc, oui, une série parallèle dans laquelle nous échappons à la France d'hier, celle de Serge Dassault...

C'est quoi la France de Serge Dassault?
C'est une France virile, bourgeoise, et raciste sans complexes, qui aime la puissance militaire, le pouvoir national, l'ordre, qui est très anti-communiste et individualiste. Pro-américaine avec une idée de challenge, de gagner, d'écraser les autres, et de laisser les faibles sur le bord de la route! Selon moi, c'est une France puérile et réveillée récemment… qui ne me plaît pas beaucoup.

Vous voulez lancer une série partenaire ou concurrente de SAS?
Non, nous n'avons de partenariat avec Gérard de Villiers mais il est au courant et nous autorise à le faire. Il n'a pas encore accepté mais je voudrais vraiment qu'il intègre le jury, ce serait très intéressant.
Donc, oui, ce serait une série indépendante, voire concurrente (mais il va falloir bosser pour atteindre les 200 000 exemplaires du roi). Les couvertures seront différentes mais en miroir, en clin d'oeil. On choisirait une fille sexy mais de dos, une typo proche avec une disposition différente du sigle…

Pourquoi vouloir un SAS femelle ?
D'abord donc pour s'amuser et puis, j'avoue, avec un petit fond de féminisme, une envie de donner le pouvoir aux femmes. Enfin, un désir avec l'éditrice de la collection rose de J'ai Lu de stimuler des textes érotiques bien écrits (alors que de Villiers a toujours admis, lui, n'avoir pas de prétention de ce côté-là, rechercher un style simple et efficace) et divertissants.

A quoi ressemblent les lecteurs de SAS mâle?
Au passé! À des générations d'hommes. Ça se lisait de père en fils. Les prépubères découvraient le cul en piquant les SAS sous le lit de leur père. Ils fantasmaient sur les filles en couverture, je pense que c'est moins le cas aujourd'hui. Le choix pour aborder le sexe s'est heureusement élargi, et les SAS sont devenus plus exotiques…

Votre série s'adresserait exclusivement à un public féminin?  
Non, nous ne voulons pas commettre la même erreur que l'original… Précisément, l'idée est de pouvoir intéresser et exciter les femmes comme les hommes. Je suis à peu près certaine que le pouvoir armé d'une femme agent secret, ça excite les garçons. Homos, hétéros, tout le monde.

Avez-vous mis en place un portrait robot de l'héroïne ou bien laissez-vous la bride aux écrivains?
Pas de portrait robot exprès. Une seule indication: son job d'agent secret. À l'écrivain d'inventer son personnage et d'articuler l'histoire qu'il lui fait vivre.

Si celui/celle que vous aurez sélectionné met en place un personnage, ce sera désormais celui-là que tous les autres écrivains chargés de le faire vivre devront adopter?
A priori, oui. Le premier sera celui qui établit le personnage. Si besoin est, l'éditrice Florence Lottin (J'ai Lu) et moi, nous le travaillerons avec lui.

Vous cherchez un nouveau Gérard de Villiers, capable de produire une série sur le long terme?
Nous cherchons un nouveau SAS. L'idée étant chaque année de recruter via WeLoveWords l'auteur d'un nouvel épisode de la série qui sera formatée dans le premier épisode.

Malko a un nombre de pratiques sexuelles relativement limitées. Peut-on espérer que son équivalent féminin sera moins coincé du cul?
Malko ne sait pas ce qu'il perd! Non seulement on peut l'espérer mais on va même l'exiger dans notre sélection! Le champ d'action paraît limité sinon.

La série SAS a fait le bonheur des sado-masos à une époque où cette sexualité était encore problématique. Est-ce qu'il y aura autant de violence sexuelle dans la nouvelle série?
Peut-être, sûrement...nous ne savons pas encore, ça dépendra de ce que les auteurs nous proposent. Les seules limites posées dans la collection sont les actes illégaux: pédophilie, zoophilie, nécrophilie…


PARTICIPEZ :
Depuis 1965, ils sont nombreux les garçons que la lecture des aventures de l'espion Malko Linge, macho malin fort et sexy, a stimulés. Cachés dans les bibliothèques bourgeoises, acquis par leur père, les SAS finissaient toujours par montrer le bout d'une fesse et d'une arme avec leur couverture zébrée des trois lettres magiques, plus fascinantes que les cinq de Zorro. Mais, en 2011, le monde de Malko Linge a changé… de position. Les femmes ont gagné le pouvoir qu'avait pleinement le héros de SAS. Alors, bien que l'agent secret soit insubmersible et inoxydable, disons que la CIA l'a viré. Pour le remplacer par une femme. Ici, Son Altesse est une femme, et elle est Sexyssime.
Repeignez SAS en rose, montrez le pouvoir et les dessous d'une héroïne, relevez le défi. Figurez-vous une héroïne de chair et de feu et écrivez le premier volume de ses aventures. Proposez votre personnage, votre synopsis, et deux scènes, une érotique, l'autre d'action. Le lauréat sera publié par J'ai Lu.