Quelques détails sur le projet de ministère de la Défense à Balard, qui a été présenté ce matin, et dont vous avez déjà eu quelques éléments ici. A en juger par les commentaires qui sont tombés, un peu d'information en plus sur ce sujet délicat ne peut pas faire de mal.
De quoi s’agit-il?
De regrouper une douzaines de sites parisiens du ministère de la Défense. Et de réorganiser, ce faisant, l'armée. N'étant pas une spécialiste de la manière de faire la guerre, citons le dossier: «L'interarmisation est aujourd'hui indispensable à la conduite des opérations, à la gestion des crises, à la recherche d'une plus grande optimisation dees moyens mis en oeuvre».
Le ministère va donc dégager des locaux, et les vendre. Il récupèrera ainsi 600 millions d’euros. Ceux-ci serviront à acheter des équipements prévus dans la loi de programmation militaire 2009-2014 et à céder pour l’euro symbolique des terrains de casernes aux villes de province qu’elle quitte.
Que va-t-on construire?
Le projet va s’installer sur 16 hectares qui appartiennent déjà au ministère. Une partie des bâtiments, dont ceux de Perret, inscrits à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques, sera conservée à l’Est. C’est ce qu’on appelle la Cité de l’Air, à forte teneur aéronautique. Le réaménagement de ce secteur, avec jardins , suppression de parkings et de constructions disparates, a été confiée à un groupe d’architectes emmenés par Pierre Bolze.
Au milieu, le nouveau bâtiment du ministère proprement dit prendra place. C’est lui qui abritera les états-majors, le pôle opérationnel, le cabinet du ministre. Celui-là a été dessiné par Nicolas Michelin, chef de file du groupe d’architectes.
Enfin, à l’ouest, sur un gros tiers du terrain, un ensemble de bureaux à louer sera bâti pour que l’opération s’équilibre financièrement. Cette partie est dessinée par Jean-Michel Wilmotte.
Parlons d’architecture...
«C'était difficile d'imaginer un ministère de la Défense, a reconnu ce matin Nicolas Michelin, en évoquant ses premières réflexions. C'est un bâtimenet régalien, mais c'est plus que ça: il y a un caractère secret, sécurisé. Et en même temps, c'est un lieu qui incarne la liberté, le fait que des peuples vivent libres. En plus ce devait être un bâtiment exemplaire en matière d'économies d'énergie.»
Le résultat? «Il est un peu insolite, imposant puisque monumental. Mais il exprime aussi une sorte de sérénité».
Trois caractéristiques:
D'abord l'enveloppe. Toute installation militaire doit être close de murs. L'exercice est généralement austère. «Une enceinte de protection était demandée dans le programme, raconte Michelin. C'est ce qui a le plus évolué tout au long de la conception». Le choix final est une enceinte blanche, rayée longitudinalement grâce à un jeu de verres sérigraphiés ou céramiques, brillants ou mats. C'est une façade «durcie» à même de résister à un certains nombres de problèmes.
Ensuite, l’intérieur. Les bâtiments sont disposés en hexagone autour d’un plot central et dans un ensemble de jardins. 60% du sol est végétalisé. On passe d’un jardin à l’autre sous les pilotis des bâtiments, exception faite de l’élément central.
Enfin, le toit. Les toitures des édifices comportent des pentes pour accueillir 7000 mètres carrés de panneaux photovoltaïques. Au sommet des toits, se trouveront les sorties de trois cheminées aérauliques pour assurer une ventilation naturelle assez innovante. Nicolas Michelin n’a pas précisé à quelle hauteur monteraient ces cheminées mais la mairie de Paris a pondu dans la journée un communiqué pour rappeler que les 43 mètres prévus n’étaient pas conformes au PLU.
Vus du périphérique, ces toits, dont la silhouette évoque vaguement les avions furtifs, pourraient être assez agréables à voir.
De hautes ambitions écologiques.
Pas de clim' à Balard, sauf dans les salles informatiques et les sous-sols. Pour le reste, la conjonction des panneaux solaires et de la convection naturelle assurée par les cheminées, doit satisfaire 80% des besoins en chauffage et en rafraichissement. Nicolas Michelin est un grand militant de ces solutions, qu'il a testées avec un succès mitigé dans une réalisation de logements à Dunkerque. La présence d'une ingéniérie infiniment plus costaude pour ce projet-là devrait améliorer les résultats. «C'est un vieux système qui permet d'avoir des bâtiments qui fonctionnent tous seuls, sans mécanique», explique Michelin.
Et le financement?
Voilà le point délicat. Le ministère de la Défense à Balard est réalisé en partenariat public privé (PPP). Dans cette formule, un groupement, emmené par un major du bâtiment, propose de construire, d’entretenir et de faire fonctionner un équipement. L’utilisateur public (administration pénitentiaire, hôpitaux par exemple) paie une redevance, sorte de loyer, en échange. L’Etat ne paie que ses personnels.
Le calcul des pouvoirs publics tient à l'immédiateté: sans sortir un sou, il va obtenir un équipement neuf. C'est la logique du paiement à crédit. Mais un crédit plus cher que ce que l'Etat aurait obtenu en direct. «Ce qui intéresse le ministère, c'est le montant de la redevance annuelle», a dit Bruno Vieillefosse, qui a piloté la consultation.
Autre avantage possible: masquer du déficit public. Les sommes que vont dépenser ces privés pour construire ne figureront pas dans les débours de l'Etat. «Ce n'est pas vrai, s'est récrié le ministre de la Défense Gérard Longuet ce matin, le PPP ne sert pas à »démaastricher« des dettes...» Il semblerait que la Commission ait quand même fait la leçon aux Anglais qui en abusaient.
Enfin, dans le PPP, tout tient dans le rapport de forces entre le client, l’Etat, et celui qui emporte le marché. Les gagnants signent pour trente ans d’équipements, de maintenance, de nettoyage, de repas... Toute impasse sur une prestation pas prévue dans le contrat, entraînera forcément un nouveau passage à la caisse.