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Libération
Blog «Coulisses de Bruxelles»

"Sauver l'euro, la nouvelle raison d'Etat allemande"

Jorgo Chatzimarkakis, député européen allemand, est membre des instances dirigeantes du parti libéral, le FDP, allié de la CDU/CSU de la chancelière. Élu de la Sarre, d’origine grecque, il critique durement Angela Merkel pour sa gestion de la crise de la zone euro, mais il affirme qu’elle est désormais déterminée à sauver la zone euro. Un message important alors que se déroule un Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement qui essaye, une nouvelle fois, de calmer les marchés financiers.
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publié le 24 juin 2011 à 11h31
(mis à jour le 16 février 2015 à 16h10)
DSC09891 Jorgo Chatzimarkakis, député européen allemand, est membre des instances dirigeantes du parti libéral, le FDP, allié de la CDU/CSU de la chancelière. Élu de la Sarre, d’origine grecque, il critique durement Angela Merkel pour sa gestion de la crise de la zone euro, mais il affirme qu’elle est désormais déterminée à sauver la zone euro. Un message important alors que se déroule un Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement qui essaye, une nouvelle fois, de calmer les marchés financiers.

La chancelière allemande a-t-elle bien géré cette crise ?

Si Angela Merkel avait dit, dès le début de la crise, en décembre 2009, qu’elle ferait tout pour assurer la stabilité de la monnaie unique et venir en aide les pays de la zone euro en difficulté, bien sûr dans le respect de la loi fondamentale allemande et de la jurisprudence du Tribunal constitutionnel de Karlsruhe, cela aurait probablement suffi à calmer les marchés financiers.  Mais en hésitant à apporter son soutien à la Grèce, elle a, à mon avis, ouvert grand la porte aux attaques des investisseurs. Elle s’est fixé des lignes rouges qu’elle a, à chaque fois, dû franchir pour tenir compte de la réalité. Les marchés sont devenus fous. Or, l´euroscepticisme ne paye pas en Allemagne : les deux partis qui ont fermement soutenu l’euro dès le début, les Verts et les sociaux-démocrates, progressent dans les sondages et gagnent les élections. Il faut que nous changions de perspective : c’est une erreur tragique de penser dans un cadre allemand alors qu’il n’y a plus de Bundesbank, plus de mark. Si nous voulons défendre les valeurs allemandes, la stabilité, l’effort, la rigueur, car je pense qu’elles sont bonnes pour l’Union, c’est dans un cadre européen.

Le FDP s’est aussi fait remarquer par son euroscepticisme…

Mon parti est historiquement un parti pro-européen, il a donné de grands Européens à l’Allemagne. Les dirigeants du FDP sont totalement engagés dans le sauvetage de la zone euro. Malheureusement, certains députés libéraux sont eurosceptiques et ont été jusqu’à proposer à la Grèce de quitter la zone euro. Même s’ils parviennent mieux à se faire entendre que les pro-Européens, ils restent minoritaires.

Pourquoi la crise de la dette souveraine s’éternise-t-elle ?

Il y a trop de politiciens partout en Europe qui parlent et disent des choses contradictoires. Les marchés en Asie, aux États unis, en Amérique latine, ne s’y retrouvent pas, car ils ne savent pas qui est autorisé à parler au nom de la zone euro. Je n’ai qu’un conseil à donner : que les politiciens réfléchissent plus avant de parler. Les pays qui prétendent jouer un rôle d’impulsion en Europe ne doivent pas se comporter comme des amateurs. En Allemagne, la chancelière aurait dû imposer le silence dès le début de la crise. Mais nous n’en sommes hélas pas à ce stade de maturité et cela est un désastre pour l’Union européenne. Je regrette que l’esprit européen ait autant souffert dans cette crise. Je suis persuadé que la réponse ne peut pas être le repli national comme le pensent une partie des citoyens.

Les gouvernements ont-ils été assez ambitieux dans leurs réponses à la crise ?

L’une des principales raisons de cette crise est que le Pacte de stabilité n’a pas fonctionné parce que les gouvernements ne l’ont pas mis en œuvre. Berlin et Paris, en 2003, l’ont même affaibli. C’est pourquoi nous allons le réformer et introduire des sanctions qui seront le plus automatiques possible afin d’obliger les États à respecter la discipline budgétaire commune. Le Parlement européen est engagé dans un bras de fer avec le Conseil des ministres qui recule devant cette automaticité absolue. Or, c’est une des leçons de la crise : l’influence des politiciens doit être réduite au minimum. D’autre part, après dix-huit mois de crise, on sort enfin de la logique de l’austérité comme seule réponse à la crise. Il faut aussi s’intéresser à la croissance. Les Allemands commencent par exemple à comprendre que cela ferait sens d’acheter de l’énergie photovoltaïque à la Grèce au moment où nous allons sortir du nucléaire. Il faut aussi mobiliser le budget européen pour donner de l’air aux pays en difficulté.

L’Allemagne est-elle désormais déterminée à sauver la zone euro ?

Absolument. Angela Merkel l’a bien compris : l’Allemagne a besoin de la zone euro et fera tout pour la sauver. C’est la nouvelle raison d’État allemande.