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Blog «Les 400 culs»

La cochonne, cette incomprise

Les sites internet spécialisés dans l’élevage des cochons ressemblent parfois à de véritables sex-shops. Il existe notamment pour les truies quantité de produits aphrodisiaques destinés à améliorer leur insémination. Ce qui en fait des êtres finalement très proches de nous: elles ont besoin de jouir pour pouvoir être exploitées. Rien de plus important semble-t-il que la «stimulation de la truie» qui constitue une rubrique à part entière dans les catalogues pour éleveurs. Pour stimuler la truie,
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publié le 30 juin 2011 à 17h56
(mis à jour le 21 janvier 2015 à 16h13)

Les sites internet spécialisés dans l’élevage des cochons ressemblent parfois à de véritables sex-shops. Il existe notamment pour les truies quantité de produits aphrodisiaques destinés à améliorer leur insémination. Ce qui en fait des êtres finalement très proches de nous: elles ont besoin de jouir pour pouvoir être exploitées.

Rien de plus important semble-t-il que la «stimulation de la truie» qui constitue une rubrique à part entière dans les catalogues pour éleveurs. Pour stimuler la truie, donc, certaines compagnies comme la très sérieuse Schippers, basée à Bladel (Hollande), mettent au point des aérosols qui diffusent l'odeur d'un verrat «à vaporiser pendant 2 secondes près du groin». Cela permet de vérifier que la femelle est en chaleur et surtout d'augmenter son état de fébrilité, donc de fertilité.

Il existe aussi des

«

résistants à l’ammoniac

» qui produisent le même bruit qu’un verrat excité. Il faut déclencher la symphonie «avant et pendant l’insémination» conseille le commerçant: «

l’insémination alors se déroule d’une manière bien plus souple

». Entendez par là que ça glisse bien mieux.

Mais l'objet le plus surprenant est certainement le vibromasseur MS Reflexator pour truie: à ma connaissance, le premier vibro électrique inventé pour un animal. Créé en 2002 par la compagnie Schippers, le Reflexator sert à stimuler la femelle du cochon afin que le sperme glisse plus facilement dans son utérus (et y reste) lors des opérations d'insémination. Le vibrateur est en effet connecté à un tube au bout duquel une seringue permet d'injecter le sperme lorsque la truie manifeste tous les signes de sa joie. Il semblerait que la joie fasse partie des éléments facilitant l'élevage des cochons. Est-ce la raison pour laquelle cet animal symbolise, depuis l'antiquité, les désirs les plus terre à terre ?

Bien avant que l'église en fasse la «créature du diable», le porc apparaît, dès l'antiquité, comme un symbole de voracité. Fouissant le sol avec gloutonnerie, il dévore tout ce que son groin trouve un tant soit peu mangeable, y compris la chair humaine. Dans les Rougon-Macquart, Zola traumatise des générations de lecteurs(ices) en décrivant une malheureuse jeune fille qui se fait dévorer la vulve par des cochons affamés. Peut-être s'inspirait-il alors de ces textes de Pline qui citait comme les mets les plus recherchés de son époque les tétines et les vulves de truies (surtout celles des truies vierges)… Mais peu importe. Qu'il mange ou qu'il soit mangé, le cochon, comme dit Héraclite, «prend son plaisir dans la fange et le fumier», ce qui en fait l'incarnation par excellence des désirs dits «obscurs».

Il «garde obstinément les yeux rivés au sol, sans jamais regarder le ciel» affirment ses détracteurs et, par ailleurs, il est une «bête de sexe» un animal «capable de copuler pour le simple plaisir et non pas uniquement pour la reproduction» (Véronique Leblanc). Dans les légendes grecques, la plus connue concernant le cochon est celle de Circé, la magicienne, qui transforme les hommes en porc ou en chien, «chacun conformément aux tendances profondes de son caractère et de sa nature» (Dictionnaire des symboles). C'est cette légende que Félicien Rops a illustré dans Pornocrates, son œuvre la plus connue et, à mon sens, la moins intéressante: elle met en scène la femme comme un être au contact de qui les hommes deviennent bestiaux. Une dompteuse nue qui les manipule en stimulant leurs instincts les plus bas…

L'argument est ancien. Il a si longtemps servi à dénigrer les femmes, tenues pour responsables de la déchéance morale de l'humanité, que j'ai toujours été surprise de voir que Rops – par ailleurs si subversif – avait pu se faire un nom grâce à cette œuvre misogyne… Cela fait partie des mystères.

Il existe pourtant des mythes positifs autour du cochon, plus précisément, autour de sa version sauvage et libre: quand on l’appelle «sanglier» (non plus «porc») et «laie» (non plus «truie»), le cochon dévoile son côté lumineux. Il est le symbole de la plus haute spiritualité, associé à ces ermites qui font retraite dans les forêts profondes afin d’y trouver la «truffe» que certaines légendes appellent «le produit de la foudre» et qui sont les métaphores de la révélation, de la grâce ou de l’extase. Qui avilit qui, finalement? Est-ce que c’est la femme qui souille et déprave l’homme en faisant ressortir son «cochon caché»? Ou est-ce que c’est l’homme qui profane, prostitue et abuse des animaux en les faisant jouir pour mieux les manger? (Inutile de répondre à cette question volontairement bête. Reiser avait dessiné une géniale double-page sur le thème de la bouchère obligée de faire des striptease pour les cochons).

Plus d'info sur le MS Reflexator ici.