
Certes, beaucoup a été fait depuis que la crise grecque a éclaté, comme le rappelle régulièrement Nicolas Sarkozy. En dépit de l’interdiction maastrichienne d’aider financièrement les États en difficulté, la zone euro a volé au secours de la Grèce (80 milliards d’euros) avant de créer dans l’urgence un Fonds européen de stabilité financière (FESF) doté d’une capacité d’emprunt de 440 milliards d’euros (plus 60 milliards que peut lever la Commission) afin d’assister les pays en difficulté. Mieux : un Mécanisme européen de stabilité (MES) doté de 500 milliards d’euros (dont le traité a été signé lundi par les ministres des Finances) remplacera le FESF en juin 2013, mécanisme permanent qui sera autorisé à acheter directement la dette publique auprès des États qui n’arrivent plus à se financer. La Banque centrale européenne (BCE) a, elle aussi, décidé de jeter par-dessus bord ses préventions idéologiques, en rachetant sur le marché secondaire, celui de la revente, la dette publique des pays périphériques de la zone euro (pour environ 80 milliards d’euros).
La zone euro a aussi revu de fond en comble sa gouvernance, notamment en durcissant le Pacte de stabilité, en renforçant la coordination des politiques économiques ou en adoptant un « pacte pour l’euro » qui liste une série de réformes structurelles douloureuses. L’Union a aussi adopté (ou va adopter) une série de réglementations des marchés financiers, des agences de notation aux marchés des dérivés (dont les fameux CDS, credit default swap, ces assurances contre le défaut d’un État qui sont devenu un instrument de spéculation), en passant par les hedge fund. Bref, un bilan loin d’être négligeable et, en tous les cas, inimaginable il y a deux ans.

Mais voilà, au moins un État de la zone euro ne l’entend pas de cette oreille : l’Allemagne, la principale puissance économique de la zone euro, soutenue par les Pays-Bas et la Finlande, ne veut pas entendre parler d’un saut fédéral. À chaque fois, depuis dix-huit mois, elle accepte à reculons une solution a minima. Ainsi, elle a refusé que le FESF et le MES soient des organismes fédéraux : pour les activer, un vote unanime des États (voire des Parlements comme le réclame le Bundestag) est nécessaire, ce qui les rend à la fois lents et inefficaces. C’est aussi Berlin qui a exigé que les taux d’intérêt soient punitifs et la durée des prêts très brève, ce qui contribue à étrangler les pays en difficulté. Autant de failles qui n’ont pas échappé aux marchés.

«On a en réduit à jouer aux pompiers, mais aux pompiers inefficaces», soupire un diplomate européen: «certains ne savent manifestement pas que tous les liquides n’éteignent pas les incendies». Le président de la Bundesbank a sifflé la fin de la récréation et a montré son irritation devant l’amateurisme de la classe politique allemande, dans un entretien à l’hebdomadaire die Zeit : «le concert de voix qui se sont exprimées publiquement ces dernières semaines - et pas seulement sur la participation du privé - n’a pas contribué à susciter la confiance dans la capacité de résoudre les problèmes des politiques». Pour Jen Weidmann, «pour lever l’incertitude, les Etats de la zone euro doivent maintenant et de manière urgent montrer qu’ils sont capables d’agir». Un sommet extraordinaire de l’eurozone devrait avoir lieu dans les jours prochains pour essayer de calmer une nouvelle fois les marchés financiers. Mais la solution risque une nouvelle fois de n’être que temporaire. Bref, comme on le dit à l’Elysée, « l’Allemagne crée une telle panique qu’on n’aura d’autre choix que le fédéralisme ou l’éclatement de la zone ».
Photos: Reuters