

* Pourquoi la crise s’éternise-t-elle ?
On ne peut pas reprocher aux pays de l’Eurozone ne n’avoir rien fait depuis deux ans. Aide à la Grèce, création du FEFS doté de 440 milliards d’euros puis du Mécanisme européen de stabilité doté de 500 milliards d’euros qui prendra sa succession en 2013, renforcement des moyens d’action du FEFS (achat des obligations d’État sur le marché primaire puis sur le marché secondaire, celui de la revente), remise à plat de la gouvernance économique de la zone euro qui sera renforcée dès le mois d’octobre, après le vote du Parlement européen, etc. Mais les marchés n’ont pas été convaincus. Ils reprochent en particulier à ces mécanismes leur caractère intergouvernemental, puisqu’ils ne peuvent être activés qu’après un vote unanime des États de la zone euro et parfois une approbation des parlements nationaux (dans le cas de l’Allemagne). À dix-sept, un accident est plus que probable...
La cacophonie politique entre les pays du nord, qui voient d’un mauvais oeil une « union des transferts » financiers, et les pays du sud en perdition ainsi que la dévaluation de la parole des gouvernements ont créé de l’incertitude sur les marchés. Ainsi, après avoir exclu toute restructuration des dettes publiques, les États en ont prévu la possibilité, mais pour les dettes contractées après juin 2013, avant de changer une nouvelle fois de pieds en organisant, en juillet, un défaut partiel de la Grèce sur la dette actuelle et en exigeant une participation du secteur privé…
Elle a déjà commencé. Après la Grèce, l’Irlande et le Portugal ont demandé l’aide de la zone euro. Depuis août dernier, après avoir sauté la case « Espagne », elle menace l’Italie. Par contrecoup, les banques européennes, et notamment françaises, détentrices d’une bonne partie des dettes publiques ont été sévèrement attaquées par les marchés qui redoutent qu’une restructuration des dettes de ces pays ne les affaiblisse. Si l’Italie tombe, ce sera un trop gros morceau pour le reste de la zone euro qui risque de ne pas s’en relever.
* Quelles solutions ?
Palliant les hésitations des politiques, la BCE a jeté par-dessus bord la plupart de ses interdits idéologiques afin de sauver l’euro, ce qui a déclenché la colère des monétaristes orthodoxes allemands : Axel Weber, le patron de la Bundesbank, a démissionné en février dernier, et Jürgen Stark, l’économiste en chef de la BCE a fait de même la semaine dernière. Tous les deux étaient en désaccord avec la décision de l’institut d’émission de Francfort de racheter sur le marché secondaire, celui de la revente, les obligations d’États des pays menacés. Elle détient déjà 143 milliards d’euros de bons d’État, sans doute plus depuis hier, car elle est intervenue massivement sur le marché pour soutenir la dette italienne. De même, elle a décidé de ne plus tenir compte de la notation des dettes publiques pour les accepter en « collatéral », c’est-à-dire en garantie des emprunts accordés aux banques commerciales. Enfin, elle a mis en œuvre toute une série d’autres mesures « non conventionnelles » : ainsi, depuis hier, avec d’autres banques centrales (dont la Réserve fédérale américaine), elle abreuve en dollars et en quantité illimités les banques qui commençaient à rencontrer des difficultés à se financer sur le marché interbancaire.

Une telle solution ne pourrait être que temporaire, car elle risque de créer de l’inflation, la BCE devant créer de la monnaie pour procéder à ce rachat, ce qui est en contradiction avec son statut. En réalité, c’est le FESF qui devrait racheter ces obligations. Problème : ses ressources sont insuffisantes. L’ancien patron de la banque centrale néerlandaise avait estimé que son plafond devrait être augmenté à 1500 milliards d’euros. Hier, Timothy Geithner a lui aussi plaidé pour une telle solution, en vain. De toute façon, il ne pourra s’agir, là aussi, que d’un palliatif. À terme, seules la création d’un trésor européen et l’émission d’obligations européennes permettront d’éviter que les marchés attaquent la dette d’un pays déterminé. Mais cela implique un saut fédéral que les États ne sont manifestement pas encore prêts à faire.
N.B.: Version longue de l’article paru ce matin dans Libération
Photos: Reuters
Devinette: qui est à droite de Jean-Claude Trichet sur la photo?