Christine a 47 ans.Elle vient d'emménager dans la «maison de stabilisation» de la rue Servan (Paris, XIème). Une structure réservée aux femmes, où l'on se pose un peu, après de l'errance, une vie à la rue ou un parcours chaotique. Le bâtiment est neuf. On croise la nouvelle locataire en visitant les lieux avec l'architecte, Christine Rousselot. Que pense l'habitante de l'endroit? «En fait, ici, c'est magnifique...» Apprenant que la conceptrice est devant elle, Christine trouve «pas étonnant que ce soit une femme qui l'ait fait».
Christine partage sa chambre avec Sarah. La configuration en longueur a permis de créer deux espaces séparés où chacune a son intimité. Sarah, apprenant qu'elle a l'architecte sous le nez, s'exclame: «Ah, on m'avait dit que c'était une dame qui avait fait ça et que ce soit une dame, ça fait plaisir...». Sarah a connu «tout un parcours». Pour juger des lieux, elle a l'oeil sûr. Elle appelle la cour intérieure «la place du village». Un vrai compliment. En bas, dans la cour, il y a un peu de verdure, de quoi s'asseoir et une ambiance de calme protecteur.
Le bâtiment de la rue Servan est un ensemble qui comprend les 53 lits de la maison de stabilisation et les 21 studios de la maison relais. La première structure est faite pour des séjours temporaires. Ce n’est pas de l’herbergement d’urgence mais cela assure les quelques semaines ou mois nécessaires pour se reconstruire un peu, chercher du travail. Ce sont des chambres, avec une salle à manger commune, une buanderie, une bibliothèque. Quand on habite ici, on n’est pas encore dans un vrai logement.
«Il faut en même temps que les femmes se stabilisent et qu’elles aient envie de partir aussi»
, résume Sarah.
La maison relais, elle, comporte 21 studios, dans lesquels les habitants ont un vrai statut de locataire. Le séjour peut durer de quelques mois à quelques années.
Les deux structures se répartissent dans deux bâtiments. Un ancien en meulière, qui était une chaudronnerie. La maison de maître et les ateliers abritent désormais la maison relais. A l’arrière, la maison de stabilisation est dans une construction neuve. Au milieu se trouve la cour.
Ce qui frappe dans ce projet, c'est son élégance, au bon sens du mot. C'est élégant d'avoir soigné les huisseries, les détails, le niveau de finition, le dessin. Christine Rousselot, l'architecte, dit que ce résultat est aussi dû «à l'entreprise SRC (une filiale de Vinci, ndlr), qui a très bien suivi le chantier». Ce n'est pas ce qu'on entend le plus souvent dans les récits des professionnels. L'architecte souligne aussi le rôle positif du maître d'ouvrage, la Régie immobilière de la Ville de Paris. Et les «bonnes relations avec les utilisateurs» qui travaillent ici. Là aussi, le cas n'est pas fréquent.
Enfin, dernière exception, ce projet qui loge des pauvres n'a fait râler personne dans le quartier. A Paris, cet esprit de tolérance se fait rare. Dans son édition papier du 16 septembre, Le Moniteur, hebdomadaire du bâtiment et des travaux publics, racontait comment il avait fallu «cinq ans pour construire neuf logements» sociaux rue Marcadet (XVIIIème), dont une année pour batailler avec des riverains «mobilisés d'emblée contre l'idée de voir éclore un tel programme dans leur rue». Ce genre d'épisode devient courant.
Aussi, quand l’histoire se passe autrement et que le métier de l’architecte trouve tout son sens, on peut prendre un instant pour le raconter.
Maison de stabilisation et maison relais à Paris. Maître d’ouvrage: RIVP. Gérance: Centre d’action sociale protestant. Architecte: Christine Rousselot. Ariane Jouannais et Jean-matthieu Houppe, architectes associés.