A deux jours du prochain conseil municipal, tout se complique autour de l'île Seguin à Boulogne-Billancourt. Le conseil général des Hauts-de-Seine, présidé par l'UMP Patrick Devedjian, vient d'empêcher la ville de construire l'une des cinq tours que le plan de l'architecte Jean Nouvel a prévues sur l'île. Celle-ci devait se bâtir sur un morceau du terrain de la pointe aval, parcelle que société d'économie mixte d'aménagement Val de Seine avait cédé pour l'euro symbolique au Conseil général en juillet 2010, en vue d'y implanter des équipements culturels.
C’était un accord donnant-donnant: le département récupère le foncier gratuitement, mais il en rétrocède un bout. Ce morceau aurait permis de bâtir l’une des cinq tours, et des contacts avec le groupe LVMH auraient eu lieu pour y loger le siège de Dior. Las, Patrick Devedjian a signifié officiellement que le département ne rendrait pas le foncier. Sont évoqués des motifs d’accès à la salle de spectacle.
Le résultat immédiat, c’est que les comptes de la Saem Val de Seine, et par là de la ville de Boulogne qui en est actionnaire à 90%, ne s’améliorent pas. Lorsqu’il est arrivé à la mairie de Boulogne en 2008, Pierre-Christophe Baguet avait annulé tout ce qui avait été lancé par son prédécesseur Jean-Pierre Fourcade sur l’île Seguin. Du même coup, il avait aussi annulé les premières recettes que devait encaisser la Saem Val de Seine à partir de 2011.
Or, pour le moment, pas un mètre carré de charge foncière n’a été vendu depuis trois ans. Pendant ce temps-là, les dépenses courent. Et le trou financier de la Saem Val de Seine ne cesse de grandir. Jean-Pierre Fourcade, l’ancien maire, est certes dans l’opposition municipale ce qui ne le pousse pas à l’indulgence. Mais en tant qu’ancien ministre du Budget, il sait compter.
Or s'il donne quitus à Baguet pour sa gestion de la ville («la situation de la ville est bonne, ils ont une marge d'autofinancement tout-à-fait convenable»), il est plus alarmiste sur la Saem: «Sa trésorerie est à moins 70 millions d'euros et elle atteindra moins 100 millions l'an prochain». Pour faire face à ces échéances, la Saem a contracté un emprunt auprès du Crédit agricole. «Le début du remboursement est prévu pour 2015, poursuit l'ancien ministre. Mais il y a eu une cession de créance de la Saem à la ville». En clair, si la société d'aménagement ne peut pas payer, c'est la ville de Boulogne qui passe à la caisse. Et même le département, qui garantit lui aussi l'emprunt à hauteur de 30%.
Sur ces soucis, s’ajoutent des recours au tribunal administratif qu’ont déposés au cours de l’été diverses associations, dont Riverains île Seguin, contre la modification du PLU votée le 16 juin lors d’un conseil municipal houleux.Ils réclament un retour aux 170 000 mètres carrés sur lesquels il y avait eu accord en 2006. Autre problème des derniers mois, les démissions en cascade de quatre adjoints, dont l’adjointe aux Finances, démissionnaire cet été, officiellement pour raisons de santé.
Et ennui supplémentaire ces jours-ci, Thierry Solere, premier adjoint qui fut aussi le premier à lâcher Baguet pour basculer dans l'opposition municipale, a lancé, avec Pierre-Mathieu Duhamel ancien maire et partisan de Fourcade, une pétition en forme de lettre ouverte pour demander au maire «le retrait du plan d'urbanisme qu'il a fait voter».
Cette vie municipales compliquée, qui oppose des gens de droite entre eux, est si pittoresque qu'elle a inspiré depuis quelques mois, à un chroniqueur anonyme mais bien informé, un petit feuilleton assez drôle intitulé «Les comptes fantastique de Paulette de la Brosse». L'association Riverains île Seguin en a mis en ligne les quatre premiers épisodes, que l'on peut lire ici, suivre encore là et puis aussi ici.
Vu qu'il s'agit d'un roman à clés, on vous en donne quelques-unes: sachez que Paulette est l'adjointe aux finances démissionnaire, la banque franco-belge Dexia, le «Grand sorcier bâtisseur» Jean Nouvel, Timor Lalune Thierry Solere, et Augias Patrick Devedjian. Pour les autres personnages, se reporter à l'organigramme du conseil municipal, le vrai, où les patronymes choisis par le feuilletonniste désignent assez clairement qui est qui.