
Pour sa dernière conférence de presse, à Berlin, il s’est bien gardé de «jouer au prophète» : «Plusieurs fois, nous nous sommes demandé si nous étions revenus dans des eaux plus calmes»,avant d’être déçus. Trichet a reconnu que«nous assistons à des évolutions structurelles profondes de nos économies», au moins équivalentes à celles qui ont suivi les chocs pétroliers de 1973 et 1979. En langage de banquier central, cela signifie que l’Europe est loin d’être sortie de l’auberge…
Jean-Claude Trichet a signé sa sortie en ouvrant à nouveau en grand le robinet à liquidités, afin d’aider les banques à traverser la crise de défiance actuelle, décision immédiatement saluée par les Bourses. En effet, les banques ont le plus grand mal à se financer sur le marché interbancaire, car elles rechignent à se prêter de l’argent entre elles faute d’être certaines de le récupérer, de forts doutes pesant sur leur état de santé réel. Sans accès aux liquidités, le sang du système, elles ne peuvent plus faire face à leurs échéances et c’est la faillite, avec les conséquences qu’on imagine pour l’économie réelle qui ne peut se passer de crédit…

La BCE a également annoncé qu’elle rachèterait aux banques 40 milliards d’obligations sécurisées, celles qu’elles émettent pour se financer, là aussi pour leur donner de l’air. La réactivation de ces programmes d’aide aux banques, qui ont été lancés à partir d’août 2007, lors des subprimes, montre que la crise actuelle est au moins de même intensité. Trichet en a profité pour rappeler qu’en 2007, rares étaient ceux qui avaient compris que le monde était au bord de l’explosion. Une claire allusion à Nicolas Sarkozy qui, fraîchement élu, l’avait accusé publiquement, en septembre 2007, d’offrir «des facilités pour les spéculateurs» en ne laissant pas les banques s’effondrer. A la BCE, «nous sommes restés lucides lorsque les choses étaient graves», contrairement aux gouvernements de la zone euro, a rappelé hier Trichet, montrant que les banquiers centraux ont la mémoire longue.
Mais ces opérations ne suffiront pas à ramener la confiance des marchés, la crise de la dette publique et celle des banques étant les deux faces d’une même médaille. C’est parce que les établissements financiers possèdent des obligations d’Etat jugées fragiles que les investisseurs doutent de leur solidité. La BCE a donc appelé solennellement à une recapitalisation (privée ou publique) afin d’améliorer leurs fonds propres. Mais, au-delà, il faudra surtout régler la crise de la dette publique au sein de la zone euro. Trichet a appelé «toutes les autorités à apporter des réponses à la hauteur des enjeux».

Photos: Reuters
N.B.: Article paru ce matin dans Libération