
La déclaration, samedi, de Marko Kranjec, gouverneur de la Banque centrale de Slovénie et, à ce titre, membre du conseil des gouverneurs de la BCE, annonce-t-elle un début d’inflexion ? « Nous sommes flexibles » et nous irons « aussi loin que nécessaire » pour stabiliser la zone euro a-t-il répondu alors qu’il était interrogé sur le programme de rachat de dettes publiques par la BCE. Mais il a immédiatement répété le mantra de la BCE : « mais nous n’oublierons jamais que notre but premier est d’assurer la stabilité des prix et de contribuer à la stabilité financière (…) nous ne pouvons nous substituer à la politique budgétaire ».
Pour comprendre ces propos, il faut savoir que la BCE créant de la monnaie, son pouvoir d’intervention est en théorie illimitée. Mais lorsqu’elle rachète de la dette, elle injecte de la monnaie dans le système, ce qui peut produire à terme de l’inflation. C’est en tout cas la grande peur des monétaristes allemands qui craignent par-dessus tout l’hyperinflation. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que l’inflation dépasse 5 % en Grande-Bretagne, la Banque d’Angleterre rachetant à tour de bras des obligations britanniques depuis trois ans. Aux États-Unis, l’inflation est proche de 4 %, alors que la Réserve fédérale a déjà acquis pour près de 900 milliards de dollars de bons du Trésor US…

Alors, pourquoi ne pas le dire clairement afin d’envoyer un signal aux marchés ? D’une part, afin de maintenir la pression sur les États afin qu’ils purgent leurs comptes publics. Pour lever cet obstacle, il faut assurer à la BCE que les traités européens seront modifiés rapidement afin de donner les moyens à la zone euro d’intervenir si un pays diverge. D’autre part, de peur de susciter une levée de boucliers en Allemagne. Mais, comme l’a dit le premier ministre britannique, David Cameron, « l’heure de vérité est proche » : Berlin devra très rapidement dire jusqu’où elle est prête à aller pour sauver la monnaie unique. Et là aussi, pour obtenir son consentement à un tel changement de politique monétaire, cela passera par une modification des traités afin d’inscrire dans le marbre la rigueur budgétaire…