
Les démissions, à quelques jours d’intervalle, du Grec Georges Papandréou et de l’Italien Silvio Berlusconi peuvent être interprétés comme une victoire des marchés qui ne croyaient plus à la capacité de ces deux chefs de gouvernement de mener à bien les réformes nécessaires pour redresser les comptes publics de leurs pays respectifs. Leur remplacement par des techniciens incorruptibles, Lucas Papadémos, ancien vice-président de la Banque centrale européenne, et par Mario Monti, ancien commissaire européen (1994-2004) ne peut que les rassurer. Surtout, les marchés veulent que les partis politiques enterrent la hache de guerre et s’attellent de conserve à redresser leur pays, les sacrifices nécessaires ne pouvant être consentis par les citoyens que si personne ne leur fait miroiter un chimérique chemin censé être moins douloureux. La seule question laissée ouverte par une diminution de l’endettement public est celle de la répartition de l’effort entre les riches et les pauvres ou entre la finance et l’économie réelle.

Plus intéressant encore : en Grèce, l’affaire du référendum avorté a mis en évidence qu’une immense majorité des citoyens veut rester dans l’euro, consciente qu’une sortie ne réglerait rien, bien au contraire. Le problème de la Grèce, ce n’est pas la monnaie unique, mais une classe politique largement corrompue qui a mis en place un État inefficace. Plutôt que de faire les réformes nécessaires qui toucheraient sa clientèle, le gouvernement a préféré matraqué de taxes le secteur productif déclaré (environ 60 % du PIB), ce qui s’est avéré contreproductif. En mettant Papandréou devant ses responsabilités, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont donc bien joué : le fait d’exiger qu’un éventuel référendum porte sur l’appartenance à l’euro a suffi à précipiter la chute du premier ministre et l’union nationale, car le sujet n’est tout simplement pas là. Ceux qui doutaient de l’engagement européen des Grecs secoués par une crise d’une rare gravité en sont donc pour leurs frais.

Même dans les États qui ne sont pas en difficulté, l’appartenance à l’euro est moins que jamais mise en question. Ainsi, en Slovaquie, pays bien plus pauvre que la Grèce, le gouvernement n’a pas hésité non plus à se sacrifier sur l’autel de l’euro pour faire voter l’extension des moyens du Fonds européen de stabilité financière (FESF). Ou encore, en France, prochain pays de la ligne de front, la crise a accru le soutien à l’euro, comme l’a montré un sondage BVA publié le 3 novembre dernier par Challenges : 77 % des Français sont désormais favorables à la monnaie unique. Nicolas Sarkozy en profite au passage : sa cote de popularité remonte depuis qu’il s’est engagé à redresser les finances de l’État…

Bref, le départ d’un pays de la zone euro apparaît plus que jamais improbable. Les citoyens ont en fait déjà acté que l’intégration devra aller bien plus loin qu’aujourd’hui : tout comme les marchés, ils savent qu’une monnaie unique ne peut s’accommoder de dix-sept politiques économiques et budgétaires souveraines. La crise de la dette souveraine aura fait prendre conscience à 332 millions de citoyens de la zone euro de leur communauté de destin.
Photos : Reuters