
Un sondage La Libre Belgique-RTBF, paru samedi, dresse un état des lieux après la bataille pour le moins inquiétant. La N-VA de Bart De Wever, le parti indépendantiste flamand qui a gagné les élections de juin 2010 avec 27,8 % et qui a été exclue de la négociation, n’a jamais été aussi puissante : elle est donnée à 39,8 % des voix, soit plus que les trois partis flamands qui feront partis de la majorité, les socialistes du SP.A (13,9 %), les chrétiens-démocrates du CD&V (12,7 %) et les libéraux de l’Open VLD (12,6 %). Autrement dit, les électeurs néerlandophones (60 % des habitants du pays) ne savent absolument pas gré à ces trois formations d’avoir sorti le pays de la crise politique, car ils estiment qu’ils ont trop cédé aux Francophones. Le CD&V, qui a lâché son allié de la NV-A pour se refaire une santé en engrangeant un accord de gouvernement poursuit une descente aux enfers que rien ne semble devoir stopper (17,3 % en juin 2010 et 22,9 % aux régionales de juin 2009). La N-VA continue à pomper ses électeurs, mais aussi, c’est une bonne nouvelle, ceux des fascistes du Vlaams Belang (qui n’est plus donné qu’à 8,4 % contre 12,3 % aux élections de juin 2010).

Du côté francophone, où la gauche est largement majoritaire alors que la droite est quasi-hégémonique au nord, c’est le soulagement qui domine. Soulagement d’avoir évité la scission, soulagement d’avoir obtenu le maintien des transferts financiers nord-sud. Et aussi fierté de voir l’un des leurs, le socialiste Elio Di Rupo, accéder au poste de premier ministre pour la première fois depuis 1979. Les électeurs ne sanctionnent aucune des grandes familles politiques pour les concessions qu’elles ont dû faire pour sauver le pays, tant sur le plan communautaire que socio-économique. Le PS reste de très loin la première formation politique à Bruxelles (26,3 %) et en Wallonie (35,4 %), mais ne sort par renforcé de l’épreuve. Les socialistes montrent qu’ils ont choisi la bonne stratégie en abandonnant à leurs sorts les 150.000 Francophones de Flandre de la périphérie bruxelloise et en acceptant de transformer la frontière linguistique de 62-63 en une quasi-frontière d’État, une vieille revendication flamande. Le FDF, dont le fonds de commerce est la défense des Francophones, et qui a quitté les libéraux du MR au lendemain des accords communautaires, n’est donné qu’à 6,5 % à Bruxelles et son leader, Olivier Maingain perd 6 points de popularité dans l’affaire (à 14 %). Ce qui confirme que les Wallons se fichent des Bruxellois et que les Bruxellois se fichent des Francophones de Flandre, assimilés à des « bourgeois qui ne veulent pas apprendre le néerlandais ». S’il existe une nation au nord du pays, il n’existe clairement pas de « nation francophone ».

Enfin, les revendications communautaires vont vite resurgir, le fédéralisme étant nécessairement « évolutif » côté flamand, alors que les Francophones estiment être allés au bout des concessions possibles. En octobre 2012 auront lieu des élections municipales, un rendez-vous extrêmement important en Belgique où une bonne partie du pouvoir s’exerce dans le cadre communal. Or, en Flandre, le CD&V, s’il ne parvient pas à un accord avec la N-VA, risque de perdre une bonne partie de ses municipalités, ce qui le poussera à durcir son discours d’ici là pour sauvegarder son alliance avec les flamingants. Bart De Wever, particulièrement silencieux ces jours-ci, prépare son retour : il vise la mairie d’Anvers, la seconde ville du pays. S’il l’obtient, cela le mettra en position de force pour les législatives de juin 2014… Bref, le volcan est loin, très loin d’être éteint et la prochaine réforme de l’État, la septième, est déjà sur les rails alors que l’encre de la sixième est à peine sèche.
Photos : Reuters