
La volonté de Berlin d’impliquer le secteur privé n’était pas seulement punitive. Si on avertit les marchés qu’ils risquent de perdre une partie de leurs créances, ils feront davantage attention aux conditions auxquelles ils prêtent et feront pression sur les pays dont les comptes et la compétitivité se dégradent. Paris, tout en reconnaissant que cela aurait pu éviter les dérapages passés, a fait valoir qu’en période de crise, il valait mieux éviter de parler de restructuration. Mais, face à la détermination de Merkel, Sarkozy a finalement accepté la demande d’Angela Merkel lors du sommet de Deauville du 18 octobre 2010, mais seulement pour les dettes contractées à partir de juin 2013 et en échange de l’abandon de l’automaticité des sanctions financières contre les États qui ne respectaient pas la limite maximale de déficit public de 3 % du PIB.
Un compromis qui a été endossé par les Vingt-sept lors du Conseil européen des 28 et 29 octobre 2010, provoquant la fureur du président de la BCE qui voulait à la fois des sanctions automatiques et surtout que l’on n’évoque pas la restructuration des dettes publiques. « Vous ne vous rendez pas compte de la gravité de la situation », a-t-il lancé, les prévenant que le calme des marchés, depuis la création du Fonds européen de stabilité financière au mois de mai, n’était qu’apparent. Ce qui a suscité la colère de Sarkozy : « vous ne pouvez pas dire à des chefs d’État et de gouvernement qui ont géré la crise provoquée par les marchés qu’ils sont inconscients. Vous parlez peut-être à des banquiers, nous nous sommes responsables devant nos citoyens », aurait-il dit en substance.

Hier, Berlin et Paris ont décidé de rayer Deauville de la carte et de revenir au point de départ : les sanctions seront encore plus automatiques que ne le prévoit la réforme tout juste adoptée du Pacte de stabilité (suppression de l’étape intermédiaire autorisant l’ouverture d’une procédure pour déficit excessif) et les clauses d’action collective prévues dans le traité créant le Mécanisme européen de stabilité (MES) qui succèdera au FESF seront abandonnées… Les marchés apprécieront, mais il aura fallu un an pour en arriver là. Un épisode qui a mené l’euro au bord du gouffre et qui fait douter de la qualité de l’expertise financière allemande…
Photos: Reuters