
* Une réforme des traités pour ramener le calme sur les marchés ?
Paris et Berlin ont toujours été d’accord sur l’origine de la crise : c’est l’incapacité des États membres à respecter le règlement intérieur de la zone euro qui limite les déficits publics à 3 % du PIB et l’endettement à 60 % du PIB ainsi que l’effondrement de la compétitivité dans certains pays qui sont responsables de la défiance des marchés financiers. Le temps de la confiance réciproque est donc terminé : il faut surveiller étroitement les politiques économiques et budgétaires nationales pour éviter qu’une nouvelle Grèce se produise à l’avenir. Pour ce faire, le couple franco-allemand propose donc de modifier les traités européens afin de constitutionnaliser les règles du Pacte de stabilité, ce qui évitera qu’une majorité de circonstances en modifie les règles comme en 2005. Le Pacte sera aussi introduit dans les Constitutions nationales sous forme d’une « règle d’or » afin de contraindre davantage les budgets et de donner les moyens aux Cours constitutionnelles de sanctionner les gouvernements qui s’en écarteraient.
La Cour de justice européenne, elle, interviendra uniquement pour vérifier que la « règle d’or » a été correctement introduite dans les Constitutions et non directement pour vérifier que les budgets nationaux respectent les engagements européens comme le souhaitait Berlin. C’est donc un véritable carcan qui sera mis en place. Les marchés ont réagi positivement à cette annonce : les bourses ont clôturé dans le vert et les taux d’intérêt des obligations d’État se sont franchement détendues.
Mais il s’agit là de mesures à moyen terme, d’autant que le retour à l’équilibre budgétaire prendra du temps et sera particulièrement douloureux pour des pays drogués à l’endettement. À court terme, la France n’a rien obtenu de plus que ce qui existe, à savoir un Fonds européen de stabilité financière (FESF) dont les ressources (440 milliards d’euros) sont presque épuisées et en tout cas insuffisantes pour venir en aide à un pays de la taille de l’Italie. Berlin a cependant fait deux concessions : le Mécanisme européen de stabilité (MES) doté de 500 milliards d’euros et qui doit succéder au FESF entrera en fonction non pas en juin 2013, mais en juin 2012. Il prendra aussi ses décisions non plus à l’unanimité des ministres des Finances de la zone euro, mais à la majorité (85 % des contributions nationales), ce qui donne néanmoins un droit de véto à… l’Allemagne (mais aussi à la France et à l’Italie). Surtout, Paris a obtenu que la restructuration des dettes ne soit pas automatique, comme le voulait Berlin, ce qui rassurera les marchés qui craignaient que la Grèce soit un précédent.
Rien, en revanche, sur le mandat de la Banque centrale européenne, ni sur la création d’obligations européennes : sans « union budgétaire », pas de mutualisation des dettes publiques ont martelé de conserve les deux dirigeants. La porte n’est donc pas fermée, mais aucun calendrier de mise en œuvre n’est pour l’instant prévu.
* Une Europe à 27 ou à 17 ?

L’enjeu est aussi de savoir si le Parlement européen et les parlements nationaux auront un rôle dans la négociation : s’il s’agit d’une modification du traité, une convention les réunissant sera convoquée pour la négocier avant que les États reprennent la main. S’il s’agit d’un « Schengen budgétaire » en revanche, tout se passera entre les seuls gouvernements.
* Une Europe intergouvernementale ou fédérale ?
Même si Berlin et Paris souhaitent que le Conseil européen des chefs d'État et de gouvernement de la zone euro, qui décide par consensus, se réunisse une fois par mois jusqu'à la fin de la crise, les deux capitales veulent que le vote à la majorité qualifiée au sein de l'Eurogroupe (l'instance qui réunit les ministres des Finances) devienne la règle. De même, ils maintiennent la Commission au centre du jeu. Mieux : la Cour de justice européenne sera intégrée au dispositif de surveillance. Autant dire qu'il s'agit d'un subtil mélange entre l'intergouvernementalisme et le fédéralisme, comme toujours dans l'Union européenne.
Photos: Reuters
N.B. : Version longue de mon article paru ce matin