
• Vers une « union de stabilité budgétaire »
Les marchés doutent de la volonté des Etats membres de s’intégrer davantage sur le plan budgétaire et économique, seul moyen d’éviter une répétition de la crise de la dette. En lançant la négociation d’un traité à « union de stabilité budgétaire », la zone euro veut montrer qu’elle a une « volonté politique forte d’intégration », ainsi que l’explique un conseiller de Nicolas Sarkozy. Seul problème : il n’a pas été possible d’enclencher une réforme des traités européens, à cause du chantage de la Grande-Bretagne qui voulait en profiter pour récupérer une partie des compétences européennes (ci-contre). Ce sera donc un traité non à « 17 + », mais à 27-1, tous les autres Etats membres de l’Union ayant annoncé leur volonté de le signer, qui sera réintégrer dans le droit européen dès que Londres aura levé son véto ou quitter l’Union.
Ce traité ad hoc est pour l’essentiel un engagement commun à respecter la discipline budgétaire prévue par le Pacte de stabilité renforcé - qui entre en vigueur ce lundi - afin d’éviter qu’une majorité de circonstance ne le modifie comme en 2005. Les Vingt-six s’engagent aussi à voter les projets de règlements déposés par la Commission le 23 novembre qui instituent une véritable tutelle européenne sur les pays dont les finances menacent de déraper (avec possibilité de déposer des amendements aux budgets nationaux). Le Pacte de stabilité sera aussi modifié afin de rendre encore plus automatique les sanctions financières.

Cette « union de stabilité » ne s’arrêtera pas à la simple surveillance des budgets. Les Vingt-six vont harmoniser leur législation dans plusieurs domaines (fiscalité, marché du travail, sécurité sociale, etc.) Surtout, « toutes les grandes réformes de politiques économiques » seront examinées en commun.
• Stabiliser les marchés
Les Européens ont reconnu leur erreur : vouloir faire payer les investisseurs a contribué à étendre la panique à l’ensemble de la zone euro. Ils ont donc décidé que la restructuration « volontaire » de la dette grecque restera « unique et exceptionnelle ». Il n’est plus question d’une implication automatique du secteur privé comme le prévoyait le futur Mécanisme de stabilité européen (MES) qui prendra la succession du Fonds européen de stabilité financière (FESF) dès juillet prochain et non en juin 2013.

Enfin, la Banque centrale européenne (BCE) a apporté, jeudi, sa pierre à l’édifice : certes, elle a maintient son refus d’intervenir massivement sur le marché secondaire de la dette publique (celui de la revente) afin de stabiliser les taux d’intérêt. Mais elle a emprunté une autre voie, tout aussi rassurante pour les marchés qu’une intervention directe: outre une nouvelle baisse de son taux directeur, à 1 %, son plus bas historique, elle a décidé de lancer deux opérations de prêts d’un montant illimité sur une durée de trois ans à un taux d’ami de 1 % : « les banques vont pouvoir emprunter à la BCE et acheter des obligations d’Etat bien mieux rémunérées. Certes, les obligations à 3 ans seront favorisées, mais actuellement la tension porte sur les taux courts », estime un diplomate français. Une incitation sonnante et trébuchante à revenir sur le marché de la dette.
Paris n’exclut pas que la BCE intervienne, à terme, plus massivement, Mario Draghi, son président, ayant estimé que l’accord renforçant la discipline budgétaire était « très bon ».
• Solidarité financière

Mais, quelques signaux positifs montrent que tout peut changer très vite. Berlin a ainsi accepté de rediscuter du plafond du MES (500 milliards) en mars. De même, la BCE aidera le FESF dans ses opérations de marchés. Enfin, « un mécanisme sera mis en place afin que les Etats membres puissent donner à l’avance des indications sur leurs plans nationaux d’émission des dettes ». Ce contrôle commun de l’endettement est un premier pas vers les eurobonds.
Photos: Reuters
N.B.: version longue de mon article cosigné avec Nathalie Dubois paru ce matin dans Libération