
La boucle ou la prophétie autoréalisatrice est parfaite : les investisseurs sont défiants, les agences dégradent ce qui renforce la défiance des investisseurs ce qui pousse les agences à dégrader davantage ce qui renforce la défiance, etc. Jusqu’à la faillite. Bon, au fond, on devrait s’en fiche royalement des agences. Car leurs analyses économiques sont dignes du café du commerce et je suis parfaitement capable de faire les mêmes ainsi que Maurice, mon copain du café du coin. Ce n’est pas la brillante « analyse » de Moody’s qui a dégradé vendredi soir de deux crans la Belgique qui passe de Aa1 à Aa3 qui va me faire changer d’avis.
Notez bien : la dégradation est de deux crans, pas de un, hein, sans doute parce que la Belgique a enfin un gouvernement après dix-huit mois de crise et, mieux, a réussi à adopter un plan de rigueur à 12 milliards d’euros. Ça leur apprendra à ces crétins qui sentent la frite. Moody’s invoque trois raisons à cette dégradation. La première est incontestable : c’est le sauvetage de Dexia qui va plomber les comptes publics belges. Mais si le royaume l’avait laissé couler, c’est ça qui est rigolo avec les agences, elle n’aurait pas non plus échappé à la dégradation, car on aurait risqué la grosse crise systémique. C’est un jeu auquel les agences gagnent à tous les coups. Tu laisses filer ton déficit pour sauver la croissance ? Paf, deux crans en moins. Tu serres les boulons pour éviter un trop gros déficit ? Paf, deux crans en moins aussi. On doit bien rigoler chez Moody’s.

Bref, Moody’s dégrade la Belgique parce qu’il y a une crise de la dette souveraine et, par conséquent, une crise économique. Bien vu l’aveugle, mais cela s’applique à tous les pays de la zone euro, mais aussi à la Grande-Bretagne (regardons calmement son tableau de bord et fuyons ensuite) qui, curieusement, passe sous son radar.

Surtout, la Belgique est un pays riche dont l’épargne privée couvre plusieurs fois le montant de la dette publique. La souscription, au début du mois, par les Belges de plus de 5 milliards d’euros de bons du Trésor (contre 200 millions attendus) montre que le pays a de la réserve sous le pied. Bref, les créanciers du Royaume ne sont pas prêts de perdre leur mise. Mais grâce à Moody’s et à ses copines, ils vont pouvoir se faire davantage de gras sur le dos des Belges.
Les commissaires européens -dont le commissaire socialiste espagnol chargé de la politique de concurrence, Joaquin Almunia- qui ont affaibli le projet de réglementation des agences de notation présenté le mois dernier par Michel Barnier vont peut-être commencé à se poser des questions sur la capacité du thermomètre à fonctionner correctement. L’urgence absolue, désormais, est de sortir des textes prudentiels l’ensemble des références aux notes des agences afin de ne pas déclencher des ordres de vente en cascade. L’urgence absolue est là.
Photos: Reuters