
Pourtant, son passeport biométrique tout neuf était parfaitement en règle. Mais elle ne savait pas que la police grecque avait introduit son nom en 2004 dans le « Big Brother » informatique européen, le Système d’information Schengen (SIS), et renouvelle tous les quatre ans cette inscription, ce qui lui interdit l’accès à tous les pays de l’Union plus la Suisse, la Norvège et l’Islande : dès que son passeport est scanné, une lumière rouge s’allume signifiant que son porteur est non grata en Europe. Les Belges n’ont donc pas eu d’autre choix que de la renvoyer : tant que la Grèce n’aura pas retiré son nom, elles ne peuvent pas la laisser entrer. Le problème est que les autorités hellènes, dont l’incompétence ne s’arrête manifestement pas à la mauvaise gestion budgétaire, a d’autres chats à fouetter que de s’occuper d’une Albanaise en perdition : « elle n’a qu’à rentrer à Tirana, saisir l’ambassade de Grèce et on verra ce qu’on peut faire », s’est entendu répondre son avocate, Florence de La Pradelle.

Xhevahire Hajdari ne le savait pas, mais son sort a été en fait scellé en 2000 lorsqu’elle a perdu son passeport. Elle le signale à la police et oublie l’affaire. Mais le précieux sésame n’a pas été perdu pour tout le monde : en 2004, une femme tente de pénétrer en Grèce avec ce passeport. Mais, à l’époque, il fallait un « visa Schengen », difficile à imiter, et la police grecque la stoppe et la renvoie en Albanie. Et, sans chercher à en savoir plus, elle introduit dans le SIS le nom figurant sur le passeport, celui de Xhevahire Hajdari, alors qu’elle sait pertinemment que ce nom ne correspond à rien. Mais, désormais, Xhevahire Hajdari ne pourra plus entrer dans l’Union et, comme elle ne le sait pas, elle ne peut pas faire rectifier l’erreur.

C’est toute la beauté du système Schengen : les non-Européens peuvent se retrouver dans le SIS sans le savoir et sans possibilité de corriger l’erreur avant d’être renvoyé dans leur pays. La police du pays d’accueil connaît simplement le motif du « signalement », mais n’a pas accès aux pièces du dossier et n’a pas le droit d’en demander communication. Autrement dit, l’interdiction d’entrée dans l’Union est communautaire, mais la responsabilité de l’inscription est nationale. Un pur cauchemar bureaucratique.
Xhevahire Hajdari pourra peut-être obtenir des Grecs qu’ils corrigent leur erreur. En attendant, elle aura passé une semaine cauchemardesque dans la zone internationale de l’aéroport de Bruxelles, perdu son billet d’avion (ni Schengen, ni la Grèce ne sont responsables) et gâché ses vacances. Le plus grave est qu’elle n’est pas certaine de revoir sa belle-sœur dont le cancer est d’une rare gravité.
Photos: Reuters