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Blog «Grand Paris et petits détours»

Berges de Seine: Fillon torpille, Delanoë mitraille

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Le projet de rendre les berges de la Seine aux piétons semblait avancer jusqu’à présent sans faire trop de vagues. La droite municipale -  Rachida Dati, Philippe Goujon, Jean-François Lamour en tête - avait beaucoup protesté mais il est toujours compliqué de défendre l’espèce d’autoroute que Georges Pompidou fit installer en son temps dans ce site inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco malgré cette balafre. Désormais, terminé les pudeurs. Jeudi, François Fillon, à peine candidat aux législati
publié le 13 janvier 2012 à 19h16
(mis à jour le 16 février 2015 à 16h03)

Le projet de rendre les berges de la Seine aux piétons semblait avancer jusqu'à présent sans faire trop de vagues. La droite municipale -  Rachida Dati, Philippe Goujon, Jean-François Lamour en tête - avait beaucoup protesté mais il est toujours compliqué de défendre l'espèce d'autoroute que Georges Pompidou fit installer en son temps dans ce site inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco malgré cette balafre.

Désormais, terminé les pudeurs. Jeudi, François Fillon, à peine candidat aux législatives à Paris, a voulu stopper net le navire. Dans un courrier au maire, le Premier ministre l'informe «que l'Etat n'entend pas signer de convention avec la ville de Paris ou prendre toute décision relative aux travaux préparatoires  prévisionnels». Il ne veut pas, écrit-il, «passer sous silence les manquements et les défauts du projet d'aménagement», estime que les reports de circulation ne sont pas assez étudiés et se réfère aux deux réserves émises par la commission d'enquête publique, sur la réversibilité des travaux et l'activité portuaire. Malgré ces réserves, la commission avait rendu un avis favorable.

Face à ce torpillage, Bertrand Delanoë a réagi à l'arme lourde avec une longue lettre de réponse rendue publique et chargée de Scuds. Il y évoque «les aspects particulièrement agressifs» de la politique du Premier ministre «à l'égard des Parisiens». En vrac, les transferts de l'Etat non compensés, la réduction des financements d'Etat pour le logement social, le refus d'un dispositif expérimental d'encadrement des loyers à la relocation, le «passage en force» avec «une procédure autoritaire pour modifier le PLU de Paris» afin d'installer le ministère de la Défense à Balard.

Puis il en arrive au dossier qui fâche. «Vous avez pris cette décision (...) en vous appuyant sur des arguments erronés, démentis par vos services ministériels». Dans sa lettre, le Premier ministre demandait «une étude la ville, précise et indiscutable» sur les reports de trafic. Dans sa réponse, le maire de Paris, cruel, cite l'avis du préfet qui notait, en juin, que «s'agissant des déplacements, les études sont de très bonne qualité». De plus,  puisque Fillon évoque dans son courrier l'inscription du site au patrimoine mondial, Delanoë s'étonne perfidement que le Premier ministre veuille le  «maintenir dans sa simple vocation d'autoroute urbaine». Et pour finir en fanfare, il rappelle à Fillon sa «décision de nommer M. Dominique Tiberi comme contrôleur économique et financier de l'Etat» (malgré un profil un peu léger pour le poste), décision «particulièrement choquante» et «heureusement annulée par le Conseil d'Etat».

En principe, les deux kilomètres et demi de la berge rive gauche devraient être rendus aux promeneurs dans quatre mois.  Même si la démarche de François Fillon freine les ardeurs des services et complique le projet,  il suffit de voir ce qui se passe dans toutes les grandes métropoles (Londres en Grande-Bretagne, Bordeaux ou Lyon en France...) pour comprendre que cela aura lieu de toute façon car toutes les villes reconquièrent leur accès à l’eau.

Enfin, sur cet épisode, Anne Hidalgo, première adjointe au maire, nous fait remarquer un point de droit: «Est-ce qu'il est vraiment habilité en tant que Premier ministre à intervenir sur un projet d'une collectivité locale? Il écrit une lettre mais à qui s'adresse-t-elle dans  ses services? Est-ce qu'il peut dire à un établissement public, le Port autonome de Paris et à son conseil d'administration, ce qu'il doit faire?» De fait, le Port autonome a voté en juin un aménagement des berges compatible avec le projet municipal. Et toutes les administrations l'ont validé les unes après les autres. Mais il est vrai que François Fillon n'était pas encore candidat à Paris.