Qui a bien pu dire que «les impuissants font les meilleurs amants»? Probablement une personne d'expérience. Il y a quelque chose d'extraordinaire avec ces hommes qui sont nés parfois avec une maladie génétique rare ou un «défaut». C'est le cas de Daryl, dont je publie ici intégralement le témoignage.
«J’ai 18 ans, je suis maître-nageur-sauveteur et je suis né avec une extrophie vésicale epispadia, c’est-à-dire qu’à la naissance ma vessie était ouverte et mon sexe en 2 parties. Il a fallu recoudre tout ça. Depuis j’ai subi environ six opérations et je pense que je devrai encore en subir d’autres à l’avenir, afin de pouvoir procurer le maximum d’excitation et de plaisir à ma partenaire. Cela me donnerait peut-être plus de plaisir? Je suis vraiment curieux à l’idée de savoir quelles sont les sensations ressenties lors de la pénétration ou de la sodomie car pour le moment je ne peux pas faire l’amour de cette manière. Mon pénis a arrêté de grandir. Il mesure 5 cm au repos et 8 cm en érection. Si je ne me fais pas opérer, il restera à la taille de celui d’un enfant de 8 ans.
Quand j’étais petit cela me gênait car je ne pouvais pas me doucher avec les autres: j’étais beaucoup trop mal à l’aise. Je me croyais différent, d’autant qu’à l’âge de 6 ans j’en avais parlé à quelqu’un que je pensais être mon ami. Au lieu de me soutenir, il a dit à tout le monde que je portais encore des pampers et je suis devenu la risée de la cour d’école. Cela a duré six ans. Ca m’a rendu révolté et agressif: chaque fois que l’on se moquait de moi, je réglais le problème à coup de poing!
On ne peut donc pas dire que mon pénis ait été pour moi un moyen de m'affirmer en tant qu'homme. De toute manière, je ne me suis pas senti dans «l'obligation de devenir un homme» parce que quand j'étais petit je ne savais pas vraiment si j'étais hétéro, homosexuel ou bisexuel. Je me posais plein de questions. Je me masturbais comme font les filles, en utilisant le jet de la douche. J'ai découvert ce doux plaisir vers mes six ans. J'utilisais le jet de douche parce que sinon il fallait le faire avec trois doigts, ce qui est assez compliqué mais j'avais d'autres méthodes pour jouir. Par exemple: si l'envie me prenait et que je bandais déjà, j'utilisais du savon ou du lubrifiant. En érection, le pénis fait juste juste la taille de ma main et c'est vrai que c'est quand même plus agréable…
A 12 ans, j'ai appris à me poser des sondes pour uriner, ce qui m'a permis de devenir continent. Et puis, au fur et à mesure des séjours à l'hôpital, j'ai compris une chose TRÈS importante: c'est que nous sommes tous différents les uns des autres. Cela m'a permis d'arrêter de me battre. Je ne me sens plus en colère contre ceux qui me trouvent différent et maintenant j'en ris parce qu'être «normal» ne veut rien dire. D'une certaine manière ce soi-disant handicap m'a plus rendu largement plus fort que la plupart des gens. Je me trouve beaucoup plus fier, déterminé et sûr de moi que les garçons de mon âge… notamment sur le plan sexuel.
Ma «différence» fait ma force. D'abord, parce que je n'ai aucune gène quand il s'agit de parler de mes fantasmes. C'est comme comme si je parlais d'une série télévisée. Bien sûr, je n'ai pas d'expérience de la pénétration à cause de mon problème de santé et je sais que les bon déhanchés plaisent très spécialement aux filles… mais pour les préliminaires (mon ex me l'a dit) aucun garçon n'est aussi doué que moi. Pourquoi appelle-t-on ca «préliminaires» d'ailleurs? Quel mot stupide. Tout le monde sait qu'on procure beaucoup plus facilement des orgasmes avec sa langue et ses doigts qu'avec le pénis. La pénétration, c'est l'image de l'union et de la création. Sur le plan symbolique, c'est très fort. Mais cela n'est pas forcément le meilleur moyen de donner un orgasme.
Il y a maintenant un an et un mois, j'ai fait l'amour pour la première fois avec celle que j'aimais de tous mon coeur. Je l'ai vécu comme si plus rien sauf elle n'avait d'importance. C'était juste magique. J'avais 17 ans. Je l'ai fait jouir en caressant son clitoris, son point G, sa langue, ses tétons, son bassin, ses fesses… Tout en elle me permettait de la faire monter, toujours plus haut. Ce jour-là, elle l'a vécu comme sa «vraie» première fois, même si je ne l'ai pas pénétrée. Par la suite, j'ai continué à lui donner toujours plus de plaisir mais nous nous sommes séparés, hélas. Elle m'a d'abord trompé avec mon meilleur ami en trouvant comme excuse: «Hooo mais j'avais trop bu et je fais tout ce qu'on me dit», puis de nouveau avec un autre… alors je me suis mis d'accord avec elle pour arrêter. Elle a été et restera mon premier et vrai amour.
Pour moi, maintenant, la vie ne fait que commencer… Je ne sais pas quand, mais je suis sûr d’une chose: je rencontrerai quelqu’un d’autre. Ce que j’attends de ma prochaine partenaire c’est LA FIDÉLITÉ et qu’elle aime se démarquer des autres. Au niveau des fantasmes, je pense en avoir plus que la moyenne et pouvoir offrir beaucoup à ma bien-aimée. Des scénarios avec des jeux de rôle, des liens, des aventures étranges… Pour moi, c’est ca être un homme. Ce n’est pas avoir des poils pubiens ou de la barbe… C’est être capable de protéger et d’émerveiller celui ou celle que l’on chérit le plus.»
Illustration: image extraite du film Histoire de sexe(s), d'Ovidie et Jack Tyler. Article consacré à ce film ici.