
- Pourquoi créer une union bancaire ?
La crise bancaire espagnole a été la goutte d’eau qui a fait
déborder le vase, car elle a mis en évidence la faillite et les mensonges des
autorités nationales de supervision, surtout soucieuses de protéger leurs
champions locaux. Confier la surveillance à une instance européenne devrait
permettre d’éviter ce type de collusions institutionnalisées. Surtout, c’est
une condition posée par l’Allemagne pour autoriser le Mécanisme européen de
stabilité (MES) à recapitaliser directement les banques : faute de pouvoir
actuellement les contraindre à se restructurer, Berlin estime que le MES ne
peut prêter qu’aux États qui, eux, peuvent être soumis à une tutelle
européenne. L’union bancaire permettra ainsi de rompre le cercle vicieux entre
dette bancaire et dette publique, la première alimentant la seconde.
- Pourquoi confier à la BCE la surveillance des banques ?
La Commission n’a pas eu besoin d’aller chercher très loin
puisque le traité de Maastricht de 1992 prévoit explicitement cette
possibilité. Mais, durant vint ans, les États ont refusé de faire jouer cette
clause en prétextant que la surveillance des banques devait être exercée au
plus près, c’est-à-dire au niveau national. Reste que ce choix pose
question : d’abord, l’échec de la surveillance des banques est aussi celle
des banquiers centraux puisque dans quatorze États de la zone euro elle est actuellement
exercée par la banque centrale… On peut donc se demander si la BCE, qui est
essentiellement la mise en réseau des banques centrales nationales, saura
éviter les erreurs qui ont conduit à la crise actuelle. Ensuite, la BCE va
cumuler énormément de pouvoirs puisqu’elle a déjà en charge la politique
monétaire et a acquis, depuis la crise, un droit de regard sur les budgets
nationaux. Aura-t-elle la capacité de tout faire ? Enfin, outre qu’elle ne
pourra être chargée de résoudre les crises bancaires, une responsabilité
politique qui engage les finances des États, elle risque d’être rendue
responsable des erreurs de surveillance, ce qui ne peut qu’affaiblir son
autorité en matière de politique monétaire…
- Quel sera le rôle de la BCE ?

- Quelles seront les banques soumises à cette surveillance ?
Pour la Commission, les 6000 banques de la zone euro doivent
être soumises à la tutelle de la BCE et pas seulement les banques dites « systémiques ».
Pour Michel Barnier, il s’agit d’une question de crédibilité : « nous avons vu que
des banques petites ou moyennes peuvent créer de grandes difficultés à tous ».
De fait, Bankia en Espagne n’était pas une banque systémique et elle a pourtant
entrainé le pays par le fond. Le gouvernement allemand est pourtant vent debout
contre cette idée, car il veut que ses caisses d’épargne régionales (les
Landesbanken), véritable « pompe à finances » des Länder, restent à
l’abri de toute intrusion européenne. Hier, la chancelière Angela Merkel a
répété qu’il « ne s’agit pas de surveiller toutes les banques et en aucun
cas la BCE ne peut le faire ». De là à penser qu’elle dissimule l’état
réel de ses Landesbanken, il y a un pas que beaucoup franchissent à Paris et à
Bruxelles.
Michel Barnier propose que la surveillance s’étende par étape à
l’ensemble des banques : « à partir du 1er janvier 2013, nous
souhaitons que le superviseur unique puisse aller regarder le détail dans une
banque qui pourrait poser des problèmes particuliers. À partir du 1er
juillet 2013, seront supervisées directement les plus grandes banques, et à
partir du 1er janvier 2014, cette supervision pourrait être
opérationnelle pour toutes les banques ». Les États européens qui n’ont
pas encore adopté l’euro pourront confier la surveillance de leurs banques à la
BCE et siéger au « comité de surveillance » qui sera chargé, à
Francfort, de gérer cette supervision.
- Quelles seront les prochaines étapes de l'Union bancaire ?
La supervision n’est qu’une première étape : il faut
encore créer une autorité européenne chargée de résoudre les crises bancaires, un
fonds de résolution alimenté par une taxe sur les banques qui pourra être
adossé au MES, et une garantie européenne des dépôts bancaires des particuliers
afin d’éviter toute panique en cas de problème (bank run) pour que l’on puisse
parler d’union bancaire. Pour l’instant, les textes sur la table proposent
seulement de créer des systèmes nationaux de résolution et de garantie, ce qui
est insuffisant.
Photos: Reuters
N.B.: version longue de mon article paru ce matin dans Libération.
Les textes sont ici, en français.