
Ce sentiment de trahison est partagé par une petite majorité
des dix-sept députés d’EELV élus en 2009 au Parlement européen : « on
est loin, ici, des 70%/30% du conseil national de samedi en faveur du non »,
reconnaît l’eurodéputée Karima Delli qui s’oppose au TSCG comme Catherine
Grèze, Karim Zéridi, Éva Joly ou Yves Cochet. Au sein du groupe écolo du
Parlement, une grande partie de leurs partenaires ont du mal à saisir la subtilité
de la position d’EELV, opposé au TSCG, mais favorable à la règle d’or… C’est en
particulier le cas des « grands frères » allemands : les Grünen,
pourtant dans l’opposition, ont voté très majoritairement en faveur du TSCG au
Bundestag. « Pour les Allemands, on est sur une autre planète. Même Sven
Giegold, qui a créé Attac en Allemagne, ne nous comprend pas »,
s’exclame José Bové.
Pour l’ancien héraut du non à la Constitution européenne,
« cette décision nous renvoie à 2009, lorsqu’avec Daniel Cohn-Bendit, on a
créé EELV en faisant la synthèse entre les tenants du non au traité
constitutionnel européen, dont j’étais, et ceux qui défendaient le oui, dont
Dany était. Il s’agissait de dépasser nos oppositions afin de construire une
autre Europe. Et on a réussi à peser sur plein de dossiers, Pascal Canfin (aujourd’hui ministre du développement) peut en témoigner dans les dossiers financiers ! Là, on est en
plein rétropédalage ». L’eurodéputé Jean-Paul Besset, un proche de Nicolas
Hulot qui a déjà du avaler la « pilule » Éva Joly, estime que
« l’on peut dire qu’Europe Écologie est pour le TSCG alors que les Verts
sont contre, même s’il faut affiner » : « c’est la vieille
culture des Verts qui est ressortie samedi, celle qui appartient à l’extrême
gauche et se sent plus près du Front de Gauche et des souverainistes ». « C’est
le retour des vieux démons », approuve José Bové. De là à dire que le vote
de samedi équivaut à un vote de scission, il n’y a qu’un pas qui n’a pas encore
été franchi, même si Cohn-Bendit s’est déjà mis en « congé » du
mouvement.
Car la divergence entre les deux composantes d’EELV est
quasiment ontologique. Pour Bové, « les Verts se trompent de bataille et
se mettent en dehors de l’histoire. Depuis le début de la crise financière, un
nouvel horizon politique s’est ouvert et ce qui paraissait impossible est
devenu possible ». Une analyse que partage Franziska Brantner, eurodéputée
Grün : « nous avons voté pour le TSCG, car c’est une condition sine
qua non pour obtenir les euro-obligations. L’important n’est pas ce traité,
mais ce qu’il y a derrière, ce que l’on peut construire en Europe ».
Sandrine Bélier, issue de la société civile « environnementaliste », surenchérit :
« on ne construit pas dans le refus. En Allemagne, on est déjà en train de
préparer le coup d’après, alors que nous campons dans une posture nationale et
comptable, comme si nous étions seuls en Europe alors qu’il faut faire des
compromis ». Pour la composante Europe écologie d’EELV, les Verts n’ont ni
intégré la réalité européenne, ni les contraintes gouvernementales :
« le non va rester et va avoir des conséquences politiques », martèle
Bélier. « On ne peut pas refuser le TSCG parce que c’est l’austérité
européenne, et accepter la loi organique sur la règle d’or et le budget
français parce que c’est l’austérité française »…
L’ingratitude des Verts à l’égard de Cohn-Bendit qui leur a
permis d’obtenir le meilleur score de leur histoire en 2009 avec plus de 16 %
des voix (après les 9,72 % obtenus en 1999) choque aussi nombre de députés
européens. Pour Franziska Brantner, « les Verts ont détruit en peu de
temps tout ce que Dany a construit et ils sont revenus là où ils étaient
en 2005. Pour eux, Dany n’est utile que pour gagner les élections et c’est
triste ».
Dessin: Nicolas Vadot