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Blog «Grand Paris et petits détours»

Le panorama, ça ne se regarde pas que dans la nature...

Photo issue du dossier de l’équipe The Narrators, 30ème session Ateliers de Cergy Question cruelle: «82% des Franciliens n’habitent pas Paris intra-muros. Que voient-ils?»  Réponse: «Maisons du XIXème, routes illisibles, arbres, château d’eau, bar de coin de rue (fermé), immeubles de logements d’une douzaine d’étages, enseignes commerciales et éclairage disparate». Question subsidiaire: «Est-ce le paysage du Grand Paris?». Hélas, oui. Ainsi commence le dossier d’appel à candidatures qu’a lancé e
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publié le 28 septembre 2012 à 7h30
(mis à jour le 16 février 2015 à 16h03)

Photo issue du dossier de l'équipe The Narrators, 30ème session Ateliers de Cergy

Question cruelle: «82% des Franciliens n'habitent pas Paris intra-muros. Que voient-ils?»  Réponse: «Maisons du XIXème, routes illisibles, arbres, château d'eau, bar de coin de rue (fermé), immeubles de logements d'une douzaine d'étages, enseignes commerciales et éclairage disparate». Question subsidiaire: «Est-ce le paysage du Grand Paris?». Hélas, oui.

Ainsi commence le dossier d'appel à candidatures qu'a lancé en début d'année l'Atelier international de maîtrise d'oeuvre urbaine de Cergy Pontoise. Fondé par les urbanistes de la ville nouvelle il y a trente ans, l'Atelier, qui initie des recherches sur des questions urbaines partout dans le monde, a décidé de fêter son anniversaire en proposant aux jeunes professionnels un sujet particulièrement coton: «Révéler et mettre en scène le grand paysage, celui des métropoles, celui du Grand Paris».

Les trente urbanistes qui se sont frottés à ce «sujet difficile et singulier» comme dit le dossier, ont présenté les  fruits de leurs réflexion au cours de ces quatre dernières semaines. Et ce matin, Paris Métropole accueillera la présentation d'un «best of» des propositions, lors d'une Controverse métropolitaine . Il n'est pas absurde qu'entre deux dossiers de fiscalités, les élus de la métropole puissent s'interroger sur la beauté des panoramas.

On ne le perçoit pas mais la région parisienne a un paysage. «La géographie régionale, si elle n'est pas grandiloquente, possède des lignes de force et des émergences exploitables par l'urbanisation», peut-on lire dans la présentation de la Controverse. Si l'on redécouvrait qu'il y a une armature à trois niveaux, avec la Seine, les plateaux  et les buttes, on pourrait travailler l'implantation du bâti et des infrastructures autrement.

«Le mieux, c'est de savoir exploiter les collines, traduit Bertrand Warnier,urbaniste et  fondateur de l'Atelier de Cergy-Pontoise. Si l'on met des bâtiments de 20 mètres de haut dans le creux en bas des buttes, on les efface. Le haut est déclaré inconstructible, devient un square et les buttes n'ont plus de signification à l'échelle de la métropole». Si l'on place un bâtiment, un repère, en haut de la butte, on crée un signal dans le paysage. Exemple type: le Sacré Coeur. On perçoit Montmartre parce qu'il est perché dessus. «Il y a du relief et ça, on ne sait plus le voir», conclut Warnier.

Ces préoccupations sont généralement parfaitement étrangères aux aménageurs. Les poches d'urbanisation sont posées au hasard des opportunités foncières et reliées entre elles par des réseaux de transport. «Où sont la géographie, la réalité physique du territoire et des saisons?», interroge l'Atelier. Nulle part pour le moment. Mais rien n'empêche d'inverser le raisonnement et de partir du paysage, des réseaux hydrographiques et des reliefs pour étudier les aménagements.  On pourrait peut-être obtenir un jour, le paysage du Grand Paris.

En attendant, rien ne nous empêche, nous, de regarder loin pour le voir. Sur l’A10, quand l’autoroute plonge vers Massy, se découvre brusquement  tout le paysage de la région parisienne. La vue coupe le souffle et l’on se dit que ça  y est, on rentre à la maison.  L’identité métropolitaine peut aussi s’accrocher à ces sentiments-là.