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Blog «Coulisses de Bruxelles»

François Hollande avertit Angela Merkel: pas d’union politique sans "solidarité"

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Le Président français hausse le ton, à la veille du Sommet européen de jeudi et vendredi : pas question de se lancer dans un « approfondissement de notre Union » avant d’avoir définitivement stabilisé la zone euro, la Grèce et l’Espagne au premier chef, et instauré des mécanismes de solidarité entre les États. Dans un entretien accordé à six journaux européens paru aujourd’hui, le chef de l’État s’est montré particulièrement ferme à l’égard d’une Allemagne qui semble à nouveau hésiter à te
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publié le 17 octobre 2012 à 20h34
(mis à jour le 16 février 2015 à 16h10)
RTR38U6L_CompLe Président français hausse le ton, à la veille du Sommet européen de jeudi et vendredi : pas question de se lancer dans un « approfondissement de notre Union » avant d’avoir définitivement stabilisé la zone euro, la Grèce et l’Espagne au premier chef, et instauré des mécanismes de solidarité entre les États. Dans un entretien accordé à six journaux européens paru aujourd’hui, le chef de l’État s’est montré particulièrement ferme à l’égard d’une Allemagne qui semble à nouveau hésiter à tenir les engagements auxquels elle a pourtant souscrit en juin dernier : tant sur l’union bancaire que sur la possibilité, pour le Mécanisme européen de stabilité (MES), de prêter directement aux banques en difficulté afin de rompre le cercle vicieux entre dette publique et dette bancaire, ou encore sur la nécessité de permettre à l’Espagne de bénéficier du bouclier du MES et de la Banque centrale européenne (BCE), Berlin freine des quatre fers depuis la rentrée. Le message de Hollande est ferme : si « nous sommes près, tout près » de sortir de la crise de la zone euro, c’est à condition de mettre en œuvre ce qui a été décidé. « Je veux que toutes ces questions soient réglées d’ici à la fin de l’année. Nous pourrons alors engager le changement de nos modes de décision et l’approfondissement de notre union. Ce sera le grand chantier au début de l’année 2013. » Car, si « le pire, c’est-à-dire la crainte d’un éclatement de la zone euro, est passé », « le meilleur n’est pas encore là. À nous de le construire ». Ce qui s’annonce plus compliqué que prévu.
Dans cet entretien, Hollande dit son fait à l’Allemagne d’Angela Merkel sans la citer directement : « les plus empressés à parler de l’union politique sont parfois les plus réticents à prendre les décisions urgentes qui la rendraient pourtant incontournable », balance-t-il, vachard. Néanmoins, bon prince, il reconnaît que, « plusieurs fois, dans le passé, les Allemands ont fait sincèrement des propositions sur l’union politique. Elles n’ont pas été saisies ». Une façon de dire que, cette fois, ce n’est pas forcément le cas. « Aujourd’hui, nous sommes en phase. La France défend l'«intégration solidaire» : chaque fois que nous franchissons un pas vers la solidarité, l’union, c’est-à-dire le respect des règles communes autour d’une gouvernance, doit progresser ». Pour la France, il n’est donc pas question, par exemple de donner le droit au commissaire européen aux affaires économiques et financières de retoquer un budget national qui ne respecterait pas les engagements européens comme vient de le proposer Wolfgang Schäuble, le ministre des finances allemand, soutenu par Angela Merkel, sans créer auparavant de la solidarité entre les États membres.
Le chef de l’État comprend certes le point de vue allemand : « qui paie doit contrôler, qui paie doit sanctionner. Je suis d’accord », et ce, d’autant plus que « nous participons tous à la solidarité (dans le cadre du MES), pas seulement les Allemands ! ». Mais, pour lui, le fouet ne doit pas être le seul incitant à respecter le règlement intérieur de la monnaie unique : « si nous ne donnons pas un nouveau souffle à l’économie européenne, les mesures de discipline ne pourront trouver de traduction effective. Le retour de la croissance suppose de mobiliser des financements à l’échelle de l’Europe, c’est le pacte que nous avons adopté en juin, mais aussi d’améliorer notre compétitivité, et enfin de coordonner nos politiques économiques. Les pays qui sont en excédent doivent stimuler leur demande intérieure par une augmentation des salaires et une baisse des prélèvements, c’est la meilleure expression de leur solidarité. On ne peut pas infliger une peine à perpétuité à des nations qui ont déjà fait des sacrifices considérables, si les peuples ne constatent pas, à un moment, les résultats de leurs efforts. Aujourd’hui, ce qui nous menace, c’est autant la récession que les déficits ! » Pour le chef de l’État, il faut conclure « un compromis entre le désendettement et la croissance ». En clair, Berlin, qui a d’ailleurs commencé à le faire, doit laisser filer ses salaires afin de soutenir ses partenaires. Un véritable crime de lèse-majesté, l’Allemagne n’aimant guère qu’on lui fasse la leçon même si elle s’est montrée experte dans l’art de la faire aux autres… Hollande ne s’arrête pas en si bon chemin : « l’union budgétaire doit être parachevée par une mutualisation partielle des dettes, à travers les eurobonds », dont le gouvernement Merkel vient une nouvelle fois, là aussi, de rejeter le principe.
RTR389QB_CompSur le chapitre intégration, Hollande reste particulièrement vague. Peut-être parce que « l’union politique, c’est après, c’est l’étape qui suivra l’union budgétaire, l’union bancaire, l’union sociale. Elle viendra donner un cadre démocratique à ce que nous aurons réussi de l’intégration solidaire » : « c’est le contenu qui doit l’emporter sur le cadre ». Il se prononce juste pour une Europe « qui avance à plusieurs vitesses avec des cercles différents », la zone euro, qui prendra une « dimension politique », en étant le cœur. Il souhaite aussi un renforcement de l’Eurogroupe et une rencontre mensuelle des chefs d’État et de gouvernement de la zone euro (note du journaliste : je ne vais pas chômer…).
Pour le reste, il estime que les élections européennes de juin 2014 (qui auront lieu au moment du centenaire du début du premier conflit mondial, quel symbole !) seront le cadre naturel du débat institutionnel à venir : « l’enjeu de cette consultation, ce sera l’avenir de l’Union. C’est la condition pour mobiliser les peuples et augmenter les taux de participation autour d’un vrai débat. J’espère que des partis européens présenteront leurs propositions aussi bien en termes de contenu, de cadre institutionnel que de personnalités, pour les porter notamment à la présidence de la Commission européenne ».
François Hollande, dans ce premier entretien consacré à l’Europe, place l’Allemagne devant ses responsabilités : la France est prête à la suivre sur la voie d’une union politique qui se traduira pas de nouveaux partages de souveraineté, mais seulement si cela se traduit par une solidarité forte entre les États. Sinon, l’Europe prend le risque « de ne plus être aimée. De n’être regardée au mieux que comme un guichet austère, où les uns viendraient chercher des fonds structurels, d’autres une politique agricole, un troisième un chèque, au pire comme une maison de redressement ». La balle est désormais dans le camp allemand.

Photos: Reuters