
La semaine dernière a marqué une nouvelle escalade dans la
guérilla que mènent les eurodéputés pour obtenir le droit de regrouper leurs
travaux à Bruxelles : au lieu de venir deux semaines en octobre (puisqu’il
n’y a pas de session en août), ils ont décidé de faire deux mini-sessions de
deux jours (lundi-mardi puis jeudi-vendredi) avec une interruption mercredi
pour bien marquer la rupture… Les autorités françaises, qui défendent le siège
à quart temps de Strasbourg, sans qu’on en comprenne la raison profonde, n’ont
pas apprécié la manœuvre (décidée en 2011) et ont attaqué le Parlement devant
la Cour de justice européenne. Celle-ci n’a pas encore statué, mais elle
devrait donner raison à la France comme le propose l’avocat général près la
CJE.
Ce n’est pas la première fois que les eurodéputés tentent de
grignoter la session de Strasbourg. Ils ont déjà réussi à supprimer le
vendredi, cette fois avec la bénédiction de la CJE, et ont créé des
mini-sessions de deux jours à Bruxelles… Mais, sans modification des traités,
cela n’ira guère plus loin. Mardi dernier, ils ont à nouveau voté massivement un
amendement demandant un siège unique par 518 voix contre 149 et 33 abstentions.
L’essentiel des votes contre vient des Français tous partis confondus (sauf
cinq Verts qui ont courageusement voté pour le regroupement) et de la droite
allemande. Les Italiens, les Espagnols ou encore les Polonais qui soutenaient
Strasbourg jusque-là ont tourné casaque. Et l’appui de la droite allemande
s’érode lentement, mais sûrement. Strasbourg demeure désespérément loin de tout
(minimum 4 h 30 de Bruxelles, peu de liaisons aériennes directes) et
dénuée d’infrastructures hôtelières suffisantes.
L’eurodéputé libéral-démocrate Edward McMillan-Scott, un
Britannique fédéraliste convaincu (si, si…) a organisé, mercredi, une
conférence en faveur du « single seat ». Il s’agissait surtout
d’essayer de trouver des alternatives pour ne pas léser Strasbourg :
création d’une université d’élite européenne, déménagement de la CJE de
Luxembourg à Strasbourg afin d’en faire la capitale de l’Europe du droit (la
Cour européenne des droits de l’homme y est déjà), déménagement d’Europol, d’Eurojust
et de la Cour pénale internationale (les Néerlandais seraient d’accord), etc,
les idées ne manquent pas.
Jacques Chirac a laissé passer une occasion en or, en
décembre 2000, à Nice : au lieu d’offrir les Conseils européens des chefs
d’État et de gouvernement, jusque-là itinérant, aux Belges, il aurait mieux
fait de les localiser dans la capitale alsacienne en échange du siège unique.
De quatre réunions annuelles, on est passé à six au minimum, parfois plus. Et
bientôt, les sommets de la zone euro auront lieu chaque mois. Bref, la France
serait devenue la capitale de l’Union, puisque les décisions importantes se
prendraient à Strasbourg et non à Bruxelles…
Quoi qu’il en soit, Paris ne pourra pas indéfiniment
continuer à bloquer le regroupement. Comme le remarque Anna Corazza-Bildt,
députée suédoise, « cette situation créée du ressentiment contre la France
et ce n’est pas sain ». D’autant que les pouvoirs du Parlement vont
s’accroitre avec la fédéralisation de la zone euro, ce qui impliquera un
travail journalier qui ne s’accommodera pas d’une transhumance mensuelle
coûteuse en temps.