
- Quelles seront les banques supervisées par la BCE ?
La Commission proposait que les 6000 banques de la zone euro
soient directement supervisées par Francfort, qui créera en son sein un
« conseil de supervision » et un « comité de pilotage »
indépendant du Conseil des gouverneurs chargé, lui, de la politique monétaire,
avec l’aide des superviseurs nationaux (dans la quasi-totalité des cas, les
banques centrales nationales) : elle faisait valoir que la crise bancaire n’était
pas venue de banques systémiques, mais de petits établissements comme en
Espagne. L’Allemagne ne l’a pas entendu de cette oreille : elle a exigé
que ses caisses d’épargne (Sparkassen), ses banques coopératives (Volksbanken)
et les banques publiques des Länder (Landesbanken) continuent à dépendre de la
seule Bundesbank. Pourquoi ? Tout simplement parce que les conseils
d’administration de ces banques sont truffés d’élus qui veulent défendre leur
fromage... « Il n’y a aucune raison technique à une telle exclusion, mais
Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances, n’a pas caché que s’il ne
l’obtenait pas, le Bundestag ne voterait pas la supervision européenne »,
explique Nicolas Veron, chercheur au Peterson Institute for international
economics de Washington et au think tank Bruegel de Bruxelles.

Certes, la BCE aura un droit
« d’évocation » des banques qu’elle ne couvre pas directement :
à chaque fois qu’elle soupçonne une banque de dérive, elle pourra traiter le
dossier. Mais à condition que le superviseur national joue le jeu. Or, comme
l’ont montré les « stress tests », les banques centrales n’hésitent
pas à mentir pour protéger « leurs » banques… En outre, ce partage de
compétences n’est pas d’une grande clarté : c’est le système qu’avait
adopté l’Espagne (Banque centrale assistée par les autorités régionales), avec
le succès que l’on sait. Bref, Berlin a compliqué et opacifié partiellement un
système que la Commission voulait le plus clair possible, ce qui est
« porteur de crises à venir », selon Nicolas Veron, « même si le
système est amplement suffisant pour la crise actuelle ».
- Quid des pays hors zone euro ?
Tous les pays de l’UE pourront participer à l’union bancaire
et pourront donc siéger dans les instances de supervision de la BCE, ce qui est
une concession importante faite à ces États. Pour l’instant, seules la
Grande-Bretagne, la Suède et la Tchéquie ont fait savoir qu’elles ne
placeraient pas leurs banques sous supervision européenne.

- Ce qui reste à faire pour achever l'union bancaire.
La supervision européenne, premier volet de l’union
bancaire, n’entrera pas en vigueur progressivement tout au long de 2013 comme
le souhaitait la Commission, mais en bloc le 1er mars 2014. D’ici
là, il faudra que la zone euro définisse dans quels cas et comment le Mécanisme
européen de stabilité (MES) pourra prêter directement aux banques sans passer
par les États afin de briser le cercle vicieux entre dette bancaire et dette
publique. La discussion s’annonce corsée, Berlin étant réticente à une telle
intervention directe et ne voulant surtout pas éponger les dettes du passé…
Ensuite, il va falloir mettre en place un « mécanisme de résolution des
crises bancaires », la BCE ne pouvant politiquement pas restructurer ou
liquider une banque, créer un fonds de résolution européen alimenté par les
banques et enfin garantir solidairement les dépôts bancaires des particuliers.
De longues nuits de négociations en perspective.
Photos: Reuters
N.B.: Article paru aujourd’hui dans Libération