
Pour justifier son opposition, la Commission fait de nouveau
valoir à la fois l’absence de tests cliniques, la durée insuffisante de « l’usage
médical bien établi » qui permet de se passer de tests cliniques et le
trop petit nombre de malades traités. Or, il faut savoir que les « anomalies de la
synthèse des acides biliaires dues à divers déficits enzymatiques », sont à la fois mortelles et rares : 90 cas
estimés en Europe dont 21 identifiés et traités avec succès par l’orphacol. Des
tests cliniques pour une maladie rare n’ont évidemment aucun sens, les risques
létaux étant immenses. Quant à la durée de l’usage, la Commission affirme que
le médicament n’existe que depuis 2007 : or il faut dix ans d’usage
minimum. Mais, en réalité, son principe actif, l’acide cholique, est utilisé
depuis 1993 par l’Assistance publique des hôpitaux de Paris. La date de 2007
correspond en fait au transfert des droits d’exploitation à CTRS qui a
enregistré l’acide cholique sous le nom d’Orphacol. Pour les juristes de la
Commission, c’est à partir de cette date qu’il faut commencer à décompter les
dix ans, ce qui est évidemment un non-sens scientifique, comme l’a noté l’AEM.
Enfin, l’échantillon présenté par CTRS est important au regard de la population
concernée : 90 cas estimés en Europe, 21 identifiés et traités avec succès
par l’Orphacol.
Pour essayer de se
dédouaner, elle m’a affirmé que l’orphacol reste autorisé en France (mais sans
l’exclusivité européenne de dix ans que lui donnerait une autorisation de mise
sur le marché) et surtout qu’il « existe des traitements
alternatifs ». Faux : le seul traitement alternatif existant est la
greffe du foie, une opération lourde et dangereuse qui impose un suivi tout au
long de la vie… Frédéric Vincent, le porte-parole de la Commission, affirme
aussi qu’une combinaison d’acide cholique et d’acide chénodesoxycholique ferait
aussi l’affaire. Problème : un tel traitement n’a jamais été testé et bénéficie
encore moins d’une autorisation de mise sur le marché pour traiter la maladie
que soigne l’orphacol. Autant dire que la Commission fait preuve d’une certaine
légèreté.
On se demande quels
intérêts elle sert dans cette affaire. Celle du laboratoire américain
Asklepion, une entreprise pharmaceutique émanation de l’Église adventiste du
septième jour, qui a déposé une demande d’autorisation pour un médicament
concurrent, même s’il n’existe pas encore ?
Ou les siens propres ? Car la Commission, toujours avide de compétences
supplémentaires, semble vouloir s’arroger un pouvoir d’appréciation sur la
commercialisation des médicaments dans l’Union, alors qu’elle ne dispose
d’aucune connaissance scientifique. Si la justice européenne lui donne raison,
les juristes seront aux commandes de la santé publique de l’Union…
Photo: Reuters