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Blog «Grand Paris et petits détours»

En route vers le (la?) "Grand Paris Métropole"

Qui peut dire ce qui sortira de la «loi de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles» - discutée au Senat à partir du 30 mai - au sujet de la région capitale? Endroit que l’on ne sait d’ailleurs plus nommer: «Grand Paris» est utilisé le moins possible par les élus et «Métropole de Paris» n’a pas survécu au passage par la Commission des lois du Sénat qui a flingué à l’unanimité cette dénomination forgée au cabinet de la ministre de la Décentralisation Marylise Lebranchu.
publié le 24 mai 2013 à 19h15
(mis à jour le 16 février 2015 à 16h03)

Qui peut dire ce qui sortira de la «loi de modernisation de l'action publique et d'affirmation des métropoles» - discutée au Senat à partir du 30 mai - au sujet de la région capitale? Endroit que l'on ne sait d'ailleurs plus nommer: «Grand Paris» est utilisé le moins possible par les élus et «Métropole de Paris» n'a pas survécu au passage par la Commission des lois du Sénat qui a flingué à l'unanimité cette dénomination forgée au cabinet de la ministre de la Décentralisation Marylise Lebranchu. A chaque fois, l'hégémonie parisienne cachée derrière les mots déclenche des allergies. A l'issue des premiers travaux des sénateurs, le 23 avril,  c'est donc «Grand Paris Métropole» qu'il convient dire désormais, même si le genre (masculin, féminin?) de l'expression n'est pas évident. Et même si «Grand Paris» s'est déjà imposé dans l'usage.

Mais la Commission des lois ne s'est pas contentée de faire de la sémantique. La création des métropoles est le premier volet de la grande réforme de la décentralisation. Normalement, ce texte aurait dû être discutée au parlement d'un seul tenant. Mais le Sénat a jugé le pavé indigeste et obtenu du gouvernement qu'il soit découpé en trois portions, à peine une semaine avant sa présentation en conseil des ministres le 10 avril dernier. Les métropoles passent donc les premières, avant la réforme des régions et un troisième épisode  sur les solidarités territoriales. Par «métropole», il faut entendre Paris, Lyon et Marseille (avec chacune un traitement spécifique). Mais aussi onze métropoles dites «classiques» (Toulouse, Lille, Bordeaux, Nantes, Nice, Strasbourg, Grenoble, Rennes, Rouen, Toulon, Montpellier). Lyon a l'air bien partie, Marseille s'annonce comme un champ de bataille . Entre les deux, la métropole de Paris est ressortie de la lessiveuse sénatoriale pas mal modifiée. C'est le jeu.

Dans le projet de loi du gouvernement, le statut de la nouvelle métropole parisienne reposait  avant tout sur l'achèvement de l'intercommunalité de l'Ile-de-France. En première couronne, les communes étaient priées de se regrouper en intercommunalités d'au moins 300 000 habitants avant fin 2015. En seconde couronne, le seuil descendait à 200 000. Dans cette première mouture du texte, la «Métropole de Paris», comme la désigne le gouvernement, voyait le jour au 1er janvier 2016. Elle élaborait un plan climat, un plan pour l'hébergement d'urgence, un programme d'actions des collectivités locales en faveur de la transition énergétique et surtout, un  plan  métropolitain de l'habitat, dont les prescriptions s'imposent aux intercommunalités de l'étage en dessous. Par ailleurs, les Plans locaux d'urbanisme (PLU) devenaient intercommunaux.  Dans le domaine du logement, la métropole pouvait aussi recevoir délégation des compétences de l'Etat, en particulier des aides à la pierre. Et se faire aménageur.

Sorte d’agglomération d’agglomérations, la Métropole de Paris, dans le projet initial,  est dirigée par un Conseil métropolitain où siègent les représentants des intercommunalités. Le Conseil élit son président. Par ailleurs, une conférence métropolitaine réunit le Conseil et les présidents de la région et des départements afin de coordonner les actions.

Après passage par la moulinette de la Commission des lois, que reste-t-il? Moins. Le seuil de 300000 habitants passe à 200000 et tout est retardé d'un an: l'achèvement de l'intercommunalité à fin 2016, la création de la métropole à 2017. De plus, la commission a recentré les missions de la métropole sur le logement et point. Enfin, elle a prévu la participation de la région et des départements au Conseil métropolitain, «avec voix consultative». «Le problème de la place de la région sera posé lors du débat», estime Jean-Pierre Sueur, président (PS) de la commission des lois du Sénat.

Le rôle de la région est une question lancinante dans le débat sur la métropole. Jean-Paul Huchon, président de l'Ile-de-France, a longtemps combattu contre l'émergence d'une instance métropolitaine au coeur de son territoire, allant répétant que la région, c'est la métropole. Au sein de Paris Métropole, Bertrand Delanoë avait plaidé pour une instance où les collectivités voteraient «par collège», système permettant à la région et aux départements d'être partie prenante. Trop compliqué, a jugé le gouvernement. Dans l'instance métropolitaine, il n'y aurait que des villes.

Toutefois, au sein de la région, d'autres voix se font maintenant entendre pour sortir du schéma «la région ou rien». Pousse montante de l'exécutif socialiste, François Kalfon, élu régional (PS) de Seine-et-Marne, plaide pour une «métropole XXL», où l'on penserait à l'échelle du bassin parisien, seule pertinente pour le développement économique. Car, selon lui,  la région doit être «l'acteur stratégique du développement économique». «La région ne doit plus être une main qui répartit les subsides comme un bon seigneur», explique-t-il dans une allusion à peine voilée aux pratiques actuelles. Et de préciser sa pensée: «Je ne serais pas contre le fait que la région abandonne certaines de ses activités pour en récupérer d'autres, comme Pôle emploi, par exemple. Mais le soutien au cinéma, au spectacle vivant... L'action sociale n'a rien à faire dans l'activité de la région, pas plus que la sécurité».

Les yeux rivés sur les régionales de 2015, Kalfon voit l'électorat de la grande couronne et du périurbain, peuplé de classes moyennes qui devraient être l'électorat naturel de la gauche, s'en détourner. Il constate chez ses camarades «un tropisme de la centralité, qui ne nous réussit pas à nous, la gauche. Il existe un regard porté sur la grande couronne, une méconnaissance, parfois un mépris. Ces représentations mentales font souffrir l'action publique». Sortir les populations de la grande banlieue du Grand Paris pourrait peut-être se payer dans les urnes.