Au lendemain de la suppression de la métropole parisienne par les sénateurs UMP et PC, aidés par l’abstention des centristes, tentons un décryptage de ce front du refus. C’est en effet un attelage peu courant qui a rayé d’un coup d’amendement les articles 10 et suivants de la loi de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles, qui organisaient la naissance d’une métropole du Grand Paris. Réactivant du même coup le débat sur la fusion des quatre départements centraux.
Commençons par les communistes, c'est plus simple. «Les communistes sont contre les regroupements institutionnels de communes, explique Claude Dilain, le président socialiste de la commission des affaires économiques. C'est une position de principe chez eux». Cela bien qu'ils aient compté dans leurs rangs un précurseur de l'intercommunalité en la personne de Patrick Braouezec, fondateur de Plaine Commune.
Hier, ils ont défendu leur tradition. «Des coopérations existent au sein de syndicats pour les transports, l'électricité, le gaz, les déchets, la restauration collective ou encore les études... Ces structures fonctionnent bien. Pourquoi tout chambouler? N'obligeons pas les communes à achever à marche forcée la carte intercommunale en imposant le seuil de 300000 habitants», a plaidé Christian Favier (Val-de-Marne), en défendant son amendement de suppression. On notera au passage que le texte gouvernemental ayant déjà été raboté par la commission des lois lors de la discussion, le seuil n'était plus qu'à 200000. Mais bon...
Poursuivons avec la droite. Là, ça se corse. «On a une conjonction des refus pour des raisons extrêmement différentes, voire diamétralement opposées», analyse Dilain. D'un côté, Roger Karoutchi (UMP, Hauts-de-Seine), qui lutte contre «ce texte de contrainte» au nom de la défense «des communes, des libertés et de l'autonomie communales». Démonstration par l'exemple des Hauts-de Seine: «Le département ne compte que 36 communes, souvent riches et puissantes; il n'est pas illogique qu'elles renâclent à l'intercommunalité». Dit comme ça...
A l'autre bout de l'UMP, Philippe Dallier (Seine-Saint-Denis). Comme dit Claude Dilain, notre analyste du jour, «on peut comprendre l'opposition de Dallier puisqu'il a une solution de rechange». Sa solution, en l'occurrence, c'est la fusion des quatre départements centraux en une seule collectivité. Il l'a assénée dès 2008 dans un rapport qui fit grand bruit et depuis, il s'y accroche. Logique avec lui-même, il a rejeté hier la création de la métropole fondée sur l'achèvement de la carte de l'intercommunalité puisque, à ses yeux, «ces grandes plaques de 200 000 habitants n'amèneront rien. Qu'est-ce qu'on aura réglé quand on aura coupé la Seine-Saint-Denis en quatre morceaux?», disait-il à Libération au premier jour du débat. L'intercommunalité des plans d'urbanisme peut-être? Une meilleure répartition de la construction de logements? On peut le faire avec son système, répond-il: «J'avais proposé un plan local de l'habitat du Grand Paris, un document très précis, opposable, très prescriptif». Karoutchi et Dallier sont contre le regoupement obligatoire des communes, mais pas sur les mêmes bases.
Or, surprise intéressante dans ce débat, il se trouve que «la métropole intégrée» de Philippe Dallier, qui semblait au fond d'un tiroir, a reparu. Certes, Claude Bartolone, alors président du conseil général de Seine-Saint-Denis, s'était déclaré partisan lui aussi de cette solution, qu'il juge toujours seule à même de résoudre les problèmes financiers chroniques du département. «Son successeur, Stéphane Troussel, dit la même chose», affirme Dallier. Les amendements de fusion des départements qu'il a déposés n'ont pas été votés mais ils ont quand même été signés par 20 sénateurs. Et dès l'ouverture des débats, le rapporteur René Vandierendonck, a démarré son propos sur Paris en faisant remarquer que M. Dallier avait «un allié auquel il ne croyait pas nécessairement», en l'occurrence Claudy Lebreton, président de l'Association des départements de France. Ce dernier serait, d'après le rapporteur, favorable à l'intégration des quatre départements centraux de l'Ile-de-France.
Si l'on n'a pas là une idée qui fait son chemin... En tout cas, le gouvernement a besoin d'en avoir une pour sortir de ce guêpier. Jean-Pierre Caffet, sénateur (PS) de Paris, note assez cruellement qu'il «n'y avait pas grande mobilisation dans la majorité pour défendre ce texte. Son défaut majeur est de n'être qu'un pôle métropolitain qui repose sur la coopération. C'est le reflet de l'échec de Paris Métropole à proposer quoi que ce soit». Mais Caffet n'est pas dur qu'avec les siens: «C'est la conjonction des conservatismes. On dit qu'il y les partisans de M. Dallier et ceux de Karoutchi, qui sont plutôt régionalistes. Mais ne nous cachons pas derrière notre petit doigt: la majorité des élus est pour le statu quo».
Il est vrai que les demandes de délai supplémentaires ont plu pendant le débat, même si «dix ans de réflexion, ce n'est déjà pas mal», comme l'a fait remarquer Jean Germain, président socialiste de la commission des finances.
Pour les épisodes suivants, on attendra de savoir si la loi est adoptée par le Sénat, même ratiboisée. Ce sera alors ce texte qui sera débattu à l’Assemblée. Sinon, redémarrage avec le projet du gouvernement, remanié par la commission des lois de l’Assemblée.