Entre ce qu’on attend et ce qui arrive, il y a parfois une différence et c’est tout ce qui fait le sel de la vie. La loi de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles, qui a été adoptée hier au Sénat en première lecture, n’a pas déçu à cet égard. La création de la métropole Aix-Marseille-Provence, qui s’annonçait comme l’obstacle insurmontable, a été votée. Un habile amendement d’intégration des maires dans le conseil métropolitain, présenté par Jean-Claude Gaudin, sénateur (UMP) de Marseille et seul défenseur de la métropole parmi les huits sénateurs des Bouches-du-Rhône, a sauvé la mise. Côté Paris, en revanche, échec total: en principe balisée d’avance grâce aux travaux de Paris Métropole, la structure proposée par le gouvernement a été rejetée par une alliance entre UMP et communistes.
Seule la métropole de Lyon, préparée de longue date par l’accord entre le président du conseil général du Rhône, le centriste Michel Mercier, et le maire de Lyon, le socialiste Gérard Collomb, a été votée sans l’ombre d’un souci. La métropole «absorbe» le département sur son périmètre et forme une nouvelle collectivité territoriale.
Le vote final sur l’adoption du projet de loi est le reflet fidèle du mariage de circonstance qui a présidé au rejet du Grand Paris. La droite, théoriquement adversaire du gouvernement, a apporté son bienveillant soutien au texte, soit en s’abstenant (92 abstentions), soit en votant pour (32 voix). A peine 7 opposants. Chez les socialistes, tout le monde pour, sauf les quatre Marseillais qui ont voté contre. Tout le groupe communiste a voté contre et les écologistes se sont abstenus. Au total, la loi a été adoptée par 183 voix, 38 contre et 125 abstentions.
La solidarité gouvernementale en prend un petit coup, mais le texte aussi. Il arrivera en première lecture à l'Assemblée le 15 juillet avec un trou béant: la suppression des quatre articles qui organisaient le futur Grand Paris Métropole. L'événement a eu lieu dès le premier jour et depuis, règne chez les acteurs politiques du dossier un silence surprenant. Ni la région ni la ville de Paris n'ont publié quelque communiqué que ce soit. Seul Paris Métropole a rappelé les «14 principes» sur lesquels son bureau s'est accordé et qu'il entend bien transmettre «à l'ensemble des députés en préparation de la nouvelle étape qui va débuter prochainement à l'Assemblée». Patrick Braouezec, ancien président de Paris Métropole est affirmatif: «Le travail qui a été fait à Paris Métropole est l'ossature du texte de loi. On ne désarme pas. Tout est ouvert à l'Assemblée».
Mais Paris est loin d'être la seule modification importante apportée par le Sénat au texte. Louis Nègre (UMP, Alpes-Maritime) a résumé à sa façon, lors des interventions sur l'ensemble, ce qui s'était passé: «Ce texte était touffu sinon confus. Heureusement, la cavalerie de la commission des lois est arrivée: elle a nettoyé les dispositions, manié l'équerre, trouvé l'équilibre». Elle a en tout cas tellement remanié le texte qu'Hélène Lipietz (écologiste, Seine-et-Marne) a eu la bonté de «rendre hommage» aux deux ministres Marylise Lebranchu et Anne-Marie Escoffier «qui ont assisté avec courage» à ce «détricotage». Pour le Sénat, il était essentiel d'arriver à une adoption du projet de loi car en cas de rejet, c'était bien la version du gouvernement qui aurait été débattue à l'Assemblée. Et quelle humiliation pour l'assemblée chargée de représenter les collectivités territoriales...