
Une majorité d’eurodéputés estime, en effet, qu’Orban met en
place une « démocrature », selon le mot de Guy Verhofstadt, le
président du groupe libéral, contraction des mots « démocratie » et
« dictature ». Ils ne sont pas les seuls à le penser, la Commission et
le Conseil de l’Europe étant sur la même longueur d’onde. Le rapport rédigé par
l’écologiste portugais Rui Tavares sur « la situation en matière de droits
fondamentaux » en Hongrie est accablant pour l’homme fort de Budapest.
Fort de sa majorité des deux tiers au Parlement hongrois (obtenue en 2010 avec 52 %
des voix), Orban a entrepris de remodeler de fond en comble, et à la hussarde, l’ordre
constitutionnel (douze réformes de la Constitution précédente et déjà quatre
réformes de la nouvelle Loi fondamentale adoptée le 18 avril 2011 en 35 jours)
sans aucune concertation avec l’opposition.
Les réformes adoptées par le Fidesz, le parti d’Orban, vont
toutes dans le même sens, selon Tavares : « une concentration du
pouvoir entre les mains de l’exécutif ». La justice, les médias, le
Parlement, la Banque centrale sont désormais, à des degrés divers, placés sous
le contrôle du gouvernement. Pour rendre difficile, voire impossible, tout
changement futur, Orban n’a pas hésité à constitutionnaliser un maximum de lois
(y compris pour briser des arrêts de la Cour constitutionnelle) et a prévu que
35 domaines relèveraient à l’avenir de « lois cardinales »,
c’est-à-dire de textes devant être adoptés à la majorité des deux tiers. Autant
dire qu’il préempte l’avenir du pays en limitant les changements possibles…
« La question est de savoir de quelle façon on gouverne quand on la
majorité des deux tiers et la marge de manoeuvre qu’on laisse à un futur
gouvernement qui ne disposera sans doute pas d’une telle majorité », a expliqué
Frank Engel, un député conservateur luxembourgeois. « La démocratie ce
n’est pas la dictature d’une majorité », a résumé Guy Verhofstadt.

En attendant que les États membres créent un
« mécanisme de surveillance des valeurs de l’Union » assorti de
sanctions qu’il appelle de ses voeux, le Parlement a décidé, par 370 voix (socialistes,
libéraux, écologistes, communistes) contre 249 (conservateurs et extrême
droite) et 82 abstentions (une partie des conservateurs), de créer une instance
ad hoc composée de représentants du Conseil des ministres, de la Commission et
du Parlement européen afin de s’assurer que la Hongrie met en œuvre une
trentaine de réformes listées dans le rapport de Rui Tavares (de la réforme de
la Constitution à l’indépendance des juges et des médias en passant par la loi
électorale ou la protection des minorités)… Orban n’a pas molli: « nous
n’acceptons pas les leçons de démocratie que vous prétendez nous donner ».
Le bras de fer est loin d’être terminé.
N.B.: article (version longue) de mon article paru dans Libération d’aujourd’hui