Après le vote hier en commission des lois de l’Assemblée nationale, des amendements gouvernementaux créant une métropole du Grand Paris dotée de pouvoirs conséquents, les réactions vont de l’enthousiasme au désespoir. Certains soupirent d’aise d’avoir pu trouver une solution qui permette d’effacer la suppression pure et simple de la métropole intervenue au Sénat, épisode navrant. D’autres s’alarment des conséquences d’une méthode qu’ils jugent brutale et imposée dans la précipitation.
Parmi les ravis, les députés socialistes qui ont oeuvré à créer l'unité dans leurs rangs autour des propositions d'Alexis Bachelay (Hauts-de-Seine), dûment relayées au sein des troupes par Jean-Marie Le Guen ou Christophe Caresche (Paris). «C'est vraiment un putsch parlementaire», se réjouissait hier Jean-Marie Le Guen, s'émerveillant du chemin parcouru. «Alors qu'au départ, le groupe, c'était vraiment la tour de Babel, qu'on ait été capables de surmonter tout ça...»
Le dispositif a en particulier permis de gagner l'adhésion de la région, ce qui n'était pas gagné d'avance. La constitution de grandes agglomérations obligatoires en seconde couronne a garanti que ces instances pourraient faire poids face à la métropole, «un développement polycentrique au bénéfice de tous», a ainsi estimé Jean-Paul Huchon, le président socialiste de la région, dans un communiqué hier. Mais surtout, la région a obtenu que son schéma régional du logement s'impose aux plans que pourrait élaborer le conseil métropolitain sur le coeur d'agglomération, « initiative importante qui pose les fondations d'une véritable autorité organisatrice du logement», selon le même communiqué. Parti de l'idée que la métropole, c'était la région, Jean-Paul Huchon a accepté le compromis.
Il faut dire que Bachelay a notablement amendé ses propositions, piochant dans la première lecture au Sénat de la loi sur les métropoles, tout ce qui pouvait faire de son travail une base acceptable pour la région. Mais aussi chez Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation. Ainsi a-t-il recyclé le système des «conseils de territoires» regroupant les communes et non pas des intercommunalités, solution que le cabinet Lebranchu avait ciselée pour le cas Aix-Marseille.
Cette solution a pour conséquence la disparition des intercommunalités existantes, car ces conseils ne regroupent que des maires. L'intercommunalité, dans ce schéma, c'est la métropole. Pour Anne Hidalgo, première adjointe de Bertrand Delanoë et candidate aux municipales 2014 à Paris, cette formule permet de répondre à ceux qui craignaient la création d'une couche supplémentaire dans le millefeuille territorial. «L'idée que les EPCI (intercommunalités, ndlr) soient transformées en conseils de territoire et ne viennent pas créer une strate supplémentaire est une bonne chose», a-t-elle estimé hier lors d'une conférence de presse à l'Assemblée, aux côtés de Jean-Marie Le Guen, Christophe Caresche, Alexis Bachelay et Pascal Popelin (Seine-Saint-Denis).
Certes, moins un puis plus un égale zéro. Mais le choix de sacrifier les intercommunalités existantes en première couronne fait hurler Patrick Braouezec, président de Plaine Commune et membre actif de Paris Métropole. «Cette solution nie le travail qui a été fait pendant des années au sein de Paris Métropole, nous a-t-il déclaré hier. Ce travail est récent, cela fait trois ans que nous le menions. Tout ce que nous demandions au projet de métropole, c'était de nous laisser le temps d'avancer».
Sur le sort de Plaine Commune, qui migrera en conseil de territoire, l'élu poursuit: «Nous allons devenir une chambre d'enregistrement. Oui, nous participerons au conseil métropolitain, mais avec quel rapport de force, quelle stratégie? Dans une communauté d'agglomération, on ne prend pas une décision qui soit contraire aux villes concernées. Le fait que l'on ne contraigne pas amène à ce que cela bouge, on est dans une dynamique». Braouezec se dit persuadé que cette métropole aura des effets dévastateurs: «Les populations vont être chassées en grande couronne parce qu'il va y avoir une montée du foncier. C'est un scénario haussmannien qui se dessine».
De fait, l’élu souligne le problème majeur du texte: en voulant mettre au pas tous les maires mauvais coucheurs qui jouent l’égoïsme local contre l’intérêt général, le gouvernement sacrifie au passage les quelques vertueux de la coopération que comptait la première couronne parisienne, dont Plaine Commune au premier chef. C’est la logique de la sécurité routière: radars pour tous parce qu’un lot d’imbéciles exagère. L’allergie à l’intercommunalité semble récompensée.
Mais les maires petits rois chez eux ne devraient pas se frotter les mains trop vite. Roger Karoutchi, sénateur UMP (Hauts-de-Seine), a immédiatement dénoncé, via un communiqué, un statut futur de «maires potiches». Avec la compétence urbanisme et aménagement au niveau de la métropole, «les maires vont très vite s'apercevoir qu'ils sont dépossédés de tout ce qui est stratégique», soupire Patrick Braouezec. Tel était le but du gouvernement, dans une métropole qui construit deux fois moins de logements que nécessaire. Mais Braouezec en est sûr: «Je prends date qu'on n'aura pas un logement supplémentaire avec cette structure».