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Blog «Les 400 culs»

Pourquoi dit-on «se mettre à la colle» ?

Prenez des photos de petites annonces style call-girls, puis découpez des titres de journaux et assemblez le tout à l’aide d’un tube de colle. De ce carambolage d’images faites que le résultat soit drôle, percutant ou mystérieux… comme tout ce qui vous arrive d’imprévisible dans la vie. Lorsque vers 1910, les artistes s’emparent de l’imprimé comme d’un support de création, le collage fait son apparition comme une forme d’art nouvelle, basée sur l’idée d’accouplements et de rupture, de rencont
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publié le 20 août 2013 à 18h55
(mis à jour le 21 janvier 2015 à 16h13)

Prenez des photos de petites annonces style call-girls, puis découpez des titres de journaux et assemblez le tout à l’aide d’un tube de colle. De ce carambolage d’images faites que le résultat soit drôle, percutant ou mystérieux… comme tout ce qui vous arrive d’imprévisible dans la vie.

Lorsque vers 1910, les artistes s’emparent de l’imprimé comme d’un support de création, le collage fait son apparition comme une forme d’art nouvelle, basée sur l’idée d’accouplements et de rupture, de rencontres fortuites et de heurts. L’esthétique du collage correspond à la «

quête jubilatoire des possibles

», explique l'

, comme si ces oeuvres, faites au cutter et à la colle, s’apparentaient de très près à la façon dont nous bricolons nos vies amoureuses. Nous essayons toujours d’assembler ces choses très disparates que sont nos désirs personnels et nos aspirations collectives. Nos vies sentimentales sont faites d’une succession d’amours imprévues, d’accidents de parcours et de réalité… Tout ce qui nous arrive, nous devons lui donner un sens comme à ces images faites de bric et de broc. A priori, elles sont les produits du hasard. Mais a posteriori… ? «Il n’y a jamais de hasard». En tout cas, nous essayons de croire qu’il y a un sens à tout ça.

Les histoires de cœur et le collage vont bien ensemble pour cette raison probablement qu’ils partagent   l’aspect hybride et discordant d’une mosaïque… De façon très révélatrice, les collages qui offrent les possibilités d’interprétation les plus délicieuses, sont en tout cas souvent ceux qui mettent en scène des personnes «en quête» (d’argent, d’amour, de gloire, de beauté)…. Des femmes aux poses complaisantes jouxtant des slogans détournés d’homme politique, par exemple. Des bouts de sourires et des fragments de journaux intimes. Des portraits de chef d’entreprise et des petites annonces… Voici quelques exemples de collage réalisés par Séverine Cordier, artiste française, après un séjour aux USA durant lequel elle a découvert le marketing stéréotypé de la prostitution.

«Le point de départ de cette série est un voyage aux Etats-Unis (2006) d’où j’ai ramené une série de journaux gratuits où pullulent les petites annonces à caractère sexuel et/ou pornographique».

«Le collage est pour moi synonyme de vitesse d’exécution. J’aime cette possibilité de créer dans  «l’instant», la survenue d’accidents et de juxtapositions inattendues».

«Je crois que mon cocktail créatif est un mélange contrasté de dégoût et de plaisir face au désir». 

«Pour les femmes lapines aux prédispositions particulières, j’ai voulu caricaturer  «la nature» féminine».

«Dans le collage « Nous manquons de vétérinaires », c’est la femme qui est associée à un petit animal fragile dont il faudrait s’occuper et soigner».

«L’appel de la nature…».

Contact de Séverine Cordier : <severine-cordier@orange.fr>

A lire : Jean-Marc Lachaud « De l'usage du collage en art au XXe siècle », Socio-anthropologie, 8 | 2000.