
3 heures de réunion, 2 minutes 30 de conférence de presse, 0 sanction contre l’Égypte : c’est l’essentiel du bilan de la réunion extraordinaire des 28 ministres des affaires étrangères consacrés à la situation en Égypte qui s’est déroulée hier après-midi à Bruxelles. Il faut dire que l’Union européenne marche sur des œufs : si personne n’approuve la répression particulièrement sanglante (environ 900 morts en une semaine) menée par l’armée égyptienne, l’angélisme n’est pas non plus de mise, aucun pays européen n’ayant envie de voir les Frères Musulmans s’emparer durablement du pouvoir. « Il n’y a guère que les Nordiques “droits de l’hommiste” emmenés par Carl Bildt, le chef de la diplomatie suédoise, qui voulaient des sanctions. Les Allemands, en pleine campagne électorale, aussi. Mais c’est tout », détaille un diplomate européen.
« Ce qu’on voulait, c’était simplement envoyer un signal aux
militaires égyptiens afin de leur montrer qu’ils ont été trop loin et qu’il
fallait qu’ils renouent le dialogue avec l’opposition. C’est fait : la
réunion était le message, explique un diplomate français. Se lancer maintenant dans
une escalade de sanctions financières et économiques risquerait de braquer les
militaires et d’accroitre le chaos qui règne sur place ». D’autant que le
chef de la diplomatie saoudienne, le prince Saoud al-Fayçal, a annoncé que les
pays arabes étaient prêts à signer des chèques pour combler les éventuels
manques à gagner. « L’Égypte n’est pas un pays facile, c’est la clef de la
stabilité au Moyen-Orient : on ne peut pas le traiter à l’emporte-pièce au
risque de couper les ponts. On a besoin de lui », poursuit ce diplomate
hexagonal. Catherine Asthon, la ministre des Affaires étrangères de l’UE, a
subtilement renvoyé dos à dos les militaires et les Frères musulmans dans sa
condamnation des violences de ces derniers jours : « nous condamnons
avec force tous les actes de violence et nous estimons que les actions
récemment menées par les militaires ont été disproportionnées. Nous appelons
toutes les parties à mettre fin aux violences ».
L’aide européenne de 5 milliards d’euros prévue pour 2013-2014 n’est
donc pas suspendue, d’autant que peu d’argent a été versé faute pour l’Égypte
d’avoir rempli les très stricts critères de versement. De même, aucun embargo
sur les armes n’a été décidé. Enfin, pas tout à fait : les Vingt-huit se
sont engagés, concession aux pays scandinaves et à l’Allemagne, à suspendre la
livraison d’équipements « pouvant être utilisés dans le cadre de la
répression interne ». Ce qui semble viser uniquement le matériel policier,
selon un fonctionnaire européen. Une décision pour le moins curieuse, des
fusils d’assauts étant nettement plus dangereux que des grenades lacrymogènes
ou des équipements de protections destinées aux forces de l’ordre. Néanmoins,
plusieurs Etats membres (dont le Danemark) ont annoncé qu’ils suspendaient
toute livraison d’armes létales au Caire, une décision qui relève de leur seule
souveraineté.
Cela étant, un embargo sur les armes ne serait pas vraiment dissuasif,
puisque l’Union exporte peu d’armes vers l’Égypte dont l’armée est surtout
équipée par les États unis. Ainsi, en 2011, le montant des exportations
européennes d’armes vers ce pays n’a pas dépassé 300 millions d’euros (dont un
tiers assuré par la France) : « une goutte d’eau » reconnaît un
diplomate.
Photo: Reuters
N.B.: article paru aujourd’hui dans Libération