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TRIBUNE

André Glucksmann: «Nous avons peur, non pas des Roms, mais de leur ressembler»

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Pour le philosophe André Glucksmann, faire des Roms une sous-humanité n’est tout simplement pas républicain.
Manifestation de la communauté rom à Saint-Denis, le 4 octobre 2015. (Photo AFP)
publié le 2 octobre 2013 à 20h16
(mis à jour le 3 octobre 2013 à 12h46)

[Le philosophe André Glucksmann est décédé ce mardi 10 novembre. Nous republions une tribune parue dans Libération le 3 octobre 2013 en défense des Roms.]

Les Français jugent à 93% que les Roms «s'intègrent mal» (sondage BVA-le Parisien). Très majoritairement, ils approuvent le démantèlement des campements de fortune et la reconduite forcée à la frontière. Je fais partie des 7%, ultraminoritaires, qui échappent à cette crise de folie générale. D'où vient-elle ? Elle n'est pas réservée aux élites, ni au petit peuple, ni à la droite, ni à la gauche, ni aux extrêmes. Ni à la France. On retrouve cette poussée d'hystérie chez nos voisins. Elle fut diagnostiquée dès que la chute du communisme autorisa les sondages libres d'Est en Ouest. En 1990, le Los Angeles Times interrogea l'ensemble de l'Europe : «Quelle est l'ethnie que vous détestez le plus ?» Tchèques, Polonais, Hongrois, etc. désignèrent à 80% leur ennemi intime : le Tsigane et le Rom.

Aujourd’hui, 60 millions de Français, de souche ou non, stigmatisent un amalgame de 20 000 malheureux. De toutes obédiences, des maires donnent de la voix pour appeler à la liquidation des camps illégaux. Mielleux : pour le bien des campeurs comme celui des riverains. Au journal télévisé, les pelleteuses en action écrasent cabanes de planches et abris de plastique, les bulldozers s’acharnent sur