
En lui rendant la vie impossible, il s’agit aussi de
décourager d’éventuelles vocations dans les services secrets du vieux continent,
comme l’admet un diplomate. Car, non seulement les États européens font
eux-mêmes de l’espionnage à grande échelle (la France au premier chef), mais
ils savaient déjà parfaitement qu’ils étaient sous surveillance américaine (c’est
à ça que sert le contre-espionnage), quand ils ne participent pas directement à
ces programmes à l’image de la Grande-Bretagne ou de l’Allemagne. Autant dire
que toute critique trop virulente des États-Unis pourrait rapidement se
retourner contre les Européens… Ce n’est pas un hasard si le Conseil des chefs
d’État et de gouvernement de l’UE s’est contenté de protestations de pure forme
essentiellement destinées à calmer les opinions publiques.
Car
il n’est pas question de se fâcher avec les États-Unis pour un péché que
tous les États jugent au fond véniel : « il ne s’agit pas de
commencer à faire monter la pression inutilement » a franchement admis le premier
ministre belge, Elio Di Rupo. Pas question donc, comme le demande le Parlement
européen, de suspendre les négociations d’un accord de libre-échange avec
Washington ou l’accord SWIFT qui permet aux Américains de surveiller tous les
mouvements bancaires européens.

Le seul dossier concret sur lequel les Vingt-huit auraient
pu avancer, afin de mettre des bâtons dans les roues américaines, est celui de
la protection des données personnelles, la Commission ayant proposé deux textes
visant à contrôler leur usage par les États et les entreprises (Libération
d’hier). Alors qu’une majorité de pays était favorable à ce qu’un accord soit
trouvé avant les élections européennes de mai 2014, la Grande-Bretagne,
l’Irlande et les Pays-Bas s’y sont opposés : au mieux, ce sera en 2015, ce
qui permettra, en attendant, aux Etats-Unis de continuer à pomper librement les
données personnelles des citoyens européens.
Photo: Reuters
N.B.: article paru dans Libération de samedi