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Blog «Coulisses de Bruxelles»

Snowden, un "traitre" qui révèle l'hypocrisie des gouvernements européens

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Les gouvernements européens ne feront rien pour aider Edward Snowden, l’homme qui a révélé l’ampleur de l’espionnage américain qui ne s’embarrasse pas du respect du droit à la vie privée. François Hollande, tout comme les autres dirigeants de l’Union, a fermement écarté l’idée, vendredi, à l’issue du sommet européen de Bruxelles, d’accorder le séjour à ce « lanceur d’alerte ». « Il est en Russie », a-t-il lâché, « et il n’a pas demandé l’asile à la France » (devinez pourquoi, ici)… « Que f
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publié le 27 octobre 2013 à 18h02
(mis à jour le 16 février 2015 à 16h09)
RTX14PC3Les gouvernements européens ne feront rien pour aider Edward Snowden, l’homme qui a révélé l’ampleur de l’espionnage américain qui ne s’embarrasse pas du respect du droit à la vie privée. François Hollande, tout comme les autres dirigeants de l’Union, a fermement écarté l’idée, vendredi, à l’issue du sommet européen de Bruxelles, d’accorder le séjour à ce « lanceur d’alerte ». « Il est en Russie », a-t-il lâché, « et il n’a pas demandé l’asile à la France » (devinez pourquoi, ici)« Que fait Snowden ? Signaler à ceux qui nous veulent du mal comment frauder et fuir » et ainsi « rendre plus difficile la protection de nos concitoyens » a taclé David Cameron, le premier ministre britannique. « En droit, c’est un traitre », tranche-t-on dans l’entourage du chef de l’État : « les États-Unis le poursuivent. C’est un État de droit, ce n’est pas l’Afghanistan. Il devra y répondre de ses crimes ».
En lui rendant la vie impossible, il s’agit aussi de décourager d’éventuelles vocations dans les services secrets du vieux continent, comme l’admet un diplomate. Car, non seulement les États européens font eux-mêmes de l’espionnage à grande échelle (la France au premier chef), mais ils savaient déjà parfaitement qu’ils étaient sous surveillance américaine (c’est à ça que sert le contre-espionnage), quand ils ne participent pas directement à ces programmes à l’image de la Grande-Bretagne ou de l’Allemagne. Autant dire que toute critique trop virulente des États-Unis pourrait rapidement se retourner contre les Européens… Ce n’est pas un hasard si le Conseil des chefs d’État et de gouvernement de l’UE s’est contenté de protestations de pure forme essentiellement destinées à calmer les opinions publiques.
Car il n’est pas question de se fâcher avec les États-Unis pour un péché que tous les États jugent au fond véniel : « il ne s’agit pas de commencer à faire monter la pression inutilement » a franchement admis le premier ministre belge, Elio Di Rupo. Pas question donc, comme le demande le Parlement européen, de suspendre les négociations d’un accord de libre-échange avec Washington ou l’accord SWIFT qui permet aux Américains de surveiller tous les mouvements bancaires européens.
RTX14IY5En revanche, Berlin et Paris aimeraient bien que Washington s’engage à ne pas – trop — les espionner : « l’espionnage entre amis, ça ne va pas du tout », s’est fâché la chancelière Merkel. Comme l’a souligné François Hollande, la surveillance entre alliés sort de la lutte contre le terrorisme, les services américains cherchant manifestement à recueillir du renseignement économique, politique, diplomatique. De fait, on peut légitimement douter des liens entre Angela Merkel et Al Qaïda… Le couple franco-allemand a donc proposé à ses partenaires la création d’un groupe de travail afin de mettre sur pied d’ici à la fin de l’année un « cadre commun de coopération » qui posera une série de principes : « on ne surveille pas les portables des personnes qu’on rencontre dans les sommets internationaux, lorsqu’on procède à des surveillances, on s’informe mutuellement ou encore on ne stocke pas indéfiniment des données qui peuvent mettre en péril des libertés » a illustré François Hollande. Un cadre qui n’aura aucune force obligatoire, bien sûr.
Le seul dossier concret sur lequel les Vingt-huit auraient pu avancer, afin de mettre des bâtons dans les roues américaines, est celui de la protection des données personnelles, la Commission ayant proposé deux textes visant à contrôler leur usage par les États et les entreprises (Libération d’hier). Alors qu’une majorité de pays était favorable à ce qu’un accord soit trouvé avant les élections européennes de mai 2014, la Grande-Bretagne, l’Irlande et les Pays-Bas s’y sont opposés : au mieux, ce sera en 2015, ce qui permettra, en attendant, aux Etats-Unis de continuer à pomper librement les données personnelles des citoyens européens.
Photo: Reuters
N.B.: article paru dans Libération de samedi