Comment trouver l'amour ? Comment conclure ? Comment lui mettre la bague au doigt et, à cela à peine fait, comment prendre le contrôle du couple ? Dans un ouvrage truffé d'anecdotes gaillardes et d'histoires énigmatiques, Eros en Hurepoix passe en revue les étranges coutumes qui ont cours jusqu'au siècle dernier dans… la banlieue sud de Paris.
«A Bullion, les jeunes filles d'autrefois faisaient des galettes avec du sang de leurs règles» pour les offrir au garçon de leur coeur afin que cela fortifie leur amour… Dans Eros en Hurepoix, le psychanalyste Jean-Pierre Bourgeron énumère les coutumes liées aux amours et aux moeurs… qui se déroulent sous la ceinture de la Seine ! L'occasion de redécouvrir la banlieue sud d'un nouveau regard : il s'y perpétuait jusque récemment des fêtes à Priape ou de curieuses manifestations sentimentales. Le coup de feu, vous connaissez ? A Jouy-en-josas, le 1er janvier, avant le lever du soleil, les jeunes gens tiraient un coup de fusil sous la fenêtre de leur amoureuse. Une façon tonitruante de marquer la nouvelle année. Une promesse pour l'année à venir : «Chaque coup ce sera comme à mourir, amour…».
«
A Châtenay-Malabry et Fontenay-aux-roses, lors de la fête des vendanges les jeunes gens se barbouillaient la figure avec du noireau, jus de raison très foncé, et poursuivaient les filles pour les barbouiller à leur tour. Après cela, ils s’offraient pour les débarbouiller avec des baisers
», dont on imagine facilement la nature… A Bagneux, celles qui voulaient trouver un amant tuaient une hirondelle pour lui arracher le cœur : «
On peut se faire aimer de tout le monde, en portant sur soi le cœur d’une hirondelle.
» Les garçons, moins cruels, portaient à leur doigt un anneau d’or laissé pendant neuf jours durant dans un nid d’hirondelles. Ensuite, ils offraient cet anneau à la femme… espérant, qu’à l’image de ces oiseaux migrateurs, elle ne cesse plus jamais de revenir vers lui.
«Les marins, dit-on, se faisaient tatouer une hirondelle une fois qu’ils avaient parcouru 5000 milles marins (1), et une deuxième aux 10.000 milles marins. C’est la raison historiquement évoquée qui conduit généralement à se tatouer deux hirondelles, souvent symétriques, pour symboliser le fait d’avoir surmonté de nombreuses épreuves, reprenant ainsi la symbolique du marin ayant affronté la mer et retrouvant son épouse, comme l’hirondelle revient chaque année de sa migration
».
A Clamart, la fontaine Sainte-Marie faisait voir d’étranges apparitions dans l’eau : «
Celles qui venaient prier devant son eau
» pouvaient voir se superposer au reflet de leur propre visage le portrait de celui qui partagerait leur vie… A Dampierre, Evry-Petit bourg, Gif, «
pour connaître le nom de son futur, il faut peler, en spirale, une pomme ou une poire et jeter l’épluchure derrière soi.
» Elle forme la première lettre d’un nom prémonitoire. A Briis-sous-Forges, afin de rendre la prédiction encore plus efficace, il faut jeter l’épluchure «
avec les dents par-dessus l’épaule gauche, d’un brusque mouvement de tête.
» A Lardy, pour connaître le visage de cette homme qui sera votre époux, il faut attendre une nuit de pleine lune puis mettre une glace sous son oreiller en disant :«
O beau croissant, fais-moi voir en dormant l’homme que j’aurai de mon vivant.
» A Evry-Petitbourg, cette coutume n’est efficace que si on enlève ses bas et qu’on dorme cuisse nue, les bas placés en forme de croix au pied du lit… «
Je mets mon pied sous l’antibois, je prie dieu et St Jean de me faire voir…
». A Malakoff, difficulté supplémentaire : il faut orner la glace de deux branches de chêne mises en croix. Pourquoi du chêne ? Parce que «s’enchaîner»…
A Itteville, le futur époux enterrait sa vie de garçon en se promenant avec un petit cercueil de bois. A l’église, celui des deux époux qui se levait le premier après la bénédiction nuptiale devenait le vrai maître de la maison. Celui dont le cierge était consumé avant l’autre devait mourir le premier. A Corbreuse, on faisait monter la mariée sur un âne : «
elle devait mettre entre ses jambes la queue de la bête.
» Lors du vin d’honneur, la mariée après avoir bu brisait son verre en le jetant violemment par terre : plus il y avait d’éclats, plus il y aurait de bonheur. «
Si les morceaux de verre étaient assez éclatés pour qu’on ne puisse les rapprocher, on considérait le mariage comme indissoluble
».
Puis c’était le repas de noce, avec évidemment plaisanterie par en-dessous : «A
u dessert, le garçon d’honneur se glissait par surprise sous la table et pinçait la jambe de la mariée. Il reparaissait présentant les rubans ; c’était, dit-on, la jarretière de la mariée dont les assistants se paraient
», la posant sur leur tête comme une couronne à l’érotique parfum de… jambe. A la fin du repas, les invités se partageaient ensuite le voile de la mariée coupé en petits morceaux. Mais parfois le voile était brûlé, tout comme le fauteuil dans lequel le père de la mariée avait donné son accord pour les épousailles. A Bagneux, Fontenay et même Orly, le lendemain de la cérémonie religieuse, on s’emparait du fauteuil dans lequel le père de la promise «s’était recardé» le jour de la demande en mariage. On y asseyait la nouvelle mariée que l’on promenait dans le village, on déposait le fauteuil avec son chargement sur un bucher qu’on allumait. Au moment où les flammes risquaient de l’atteindre, la mariée était retirée du fauteuil, bien sûr… «
A Bagneux, cette scène se déroulait sur la place de l’Eglise
» et l’assistance ne se dispersait qu’une fois le meuble totalement consumé, réduit à un tas de cendre sur lequel il ne serait plus possible de revenir.…
Dans d’autres région du Hurepoix, précise Jean-Pierre Bourgeron, ce sont les souliers de la mariée qui étaient immolés par le feu : «
La mariée ne pourra plus aller où bon lui semble dorénavant, mais devra rester chez elle à s’occuper de son ménage
», avance-t-il. Evidemment, un vœu pieu. A Briis-sous-Forges, «
à la chandeleur on allumait des cierges pour ne pas être cocu dans l’année.
» A Bagneux, les gens fautifs ou cocus étaient placés sur un fauteuil, lui-même placé sur un bucher auquel on mettait le feu, «
puis, le moment dangereux venu, on les remplaçait par un mannequin de paille.
» A Fontenay-aux-roses, la femme adultère était exposée à la vindicte publique sous la forme d’une effigie que l’on promenait dans les rues et que l’on brûlait solennellement : peine de mort par contumace ! «
De là l’expression populaire :
«On te brûlera au mardi gras.» Le mari cocu n’échappait pas plus à la critique d’ailleurs. N’était-il pas le premier responsable ? Pour le punir : charivari. Des rieurs venaient faire un vacarme de casseroles, de vieux seaux ou de pelles sous ses fenêtres. Il arrivait que le mari apprenne au bruit son infortune. Mais parfois, c’est à la femme que s’adressait le message sonore : tu es cocue, cocotte. La faute à qui ?