Esprit es-tu là ? Nous pourrions commencer comme ça : cela fait un bon moment déjà que nous ne lisons plus vraiment Libé. Ou plutôt comme ça : cela fait un bon moment déjà que nous ne lisons plus vraiment Libération. Oui, voilà, c'est plus juste. Ce n'est pas la peine de remonter aux calendes non plus, et de regretter les papiers de Jean Hatzfeld, Philippe Garnier, Serge Daney, Michel Cressole - la liste est trop longue, ils sont partis et, pour certains, vraiment partis.
Mais nous avons été journalistes à Libération en même temps qu'eux, c'est-à-dire ça : une certaine façon d'inventer, de créer, nous et personne d'autres, l'événement, de mépriser la com, d'être singuliers et pour cela respectés, de rester curieux, de travailler pour soi en sachant que les lecteurs comprendront. D'avoir la passion d'un journal comme une communauté, comme un rire, comme une drogue délicieuse. Ce qui est advenu n'est pas si mal, parfois. Mais, puisque nous n'en sommes plus, il serait honteux de juger ce qui est au regard d'une autre histoire qui fut la nôtre et, c'est important, celle aussi de notre jeunesse.
Et justement, cette jeunesse, cette morgue, cette communauté, cet esprit de liberté qui veut que c'est à partir de nous que tout commence, de nos idées, de nos délires, de nos désirs, les revoilà qui pointent dans la lutte qui est la vôtre et qui nous donne le frisson. On peut bien se marrer de «l'esprit Libé» sauf quand il est là, comme un spectre bienve