Face à cette crise, qu'il nous est parfois difficile d'appréhender, la métaphore artistique n'est sans doute pas inutile. Depuis la fin du mois de novembre, le soulèvement populaire connu sous le nom d'«euro-Maidan» semblait directement inspiré du tableau d'Eugène Delacroix La liberté guidant le peuple. Ce sublime tableau, probablement le seul du peintre à caractère politique, présenté en 1831 sous le titre Scènes de barricades, incarne bien la volonté de changement populaire, l'idéal révolutionnaire et l'appel de la liberté. Le soulèvement des Trois glorieuses de 1830, qui a inspiré le tableau, avait pour origine la volonté de Charles X d'écraser l'opposition libérale qui avait appelé à la désobéissance. La mobilisation dans la capitale fit plier le souverain, qui, finalement, fut remplacé par un autre, la voie républicaine ayant été écartée. Une telle dynamique d'opposition a pu être observée à Kiev, où les citoyens ont vécu comme un affront la non-signature de l'accord d'association avec l'Europe.
Mais mercredi 19 février, les rues de Kiev ressemblaient davantage au tableau de Goya, intitulé Trois mai : des images de violence d'une rare intensité, à forte charge émotionnelle ne pouvant inspirer qu'un sentiment d'horreur, de dégoût et de malaise. Le face-à-face des bourreaux et des victimes, tout comme le contraste entre l'attitude des troupes et celle des manifestants, semblent encourager la comparaison de ce triste jour avec la fusillade des tro